Question : Quels sont les moyens d'agir contre la précarité ?

Professeur Mattei : Agir contre la précarité implique la mise en place d’une action globale permettant de porter une attention particulière aux personnes menacées, avec des dispositifs de prévention, de prise en charge et d’accompagnement. La lutte contre la précarité a pour objectif premier le mieux être et le mieux vivre de la personne, ce qui passe, dans bien des cas, par un nécessaire et salvateur retour à l’autonomie.

L’action de l’Etat pour lutter contre la pauvreté est indispensable, mais, comme nous l’avons vu plus haut, parce que c’est quasiment inévitable, l’Etat agit selon des mécanismes qui obéissent à des règles, notamment des règles de seuil, avec tout ce que cela peut comporter comme effets pervers.

Il faut sonner le réveil des consciences

Une autre conséquence indirecte de l’action de l’Etat est qu’à partir du moment où il affiche sa volonté de lutter contre la pauvreté la majorité des citoyens se désintéresse de cette question. Ce qui peut paraître légitime puisque l’Etat en assumerait la totale prise en charge. Or, aujourd’hui, l’intervention de l’Etat ne suffit plus, l’aide sociale de l’Etat ne peut couvrir tous les besoins, notamment parce que les moyens alloués sont insuffisants.

Il appartient donc à des associations comme la Croix-Rouge française de faire comprendre que la solidarité ne peut plus être seulement la solidarité endossée par l’Etat. Il faut aujourd’hui que les citoyens sachent qu’ils doivent s’engager pour aider les plus fragiles, les plus vulnérables, les plus démunis… D’ailleurs, cet engagement de la population pour aider les personnes en difficulté ne peut que redonner à chacun le sentiment de sa responsabilité à l’égard de l’autre, vérité intangible et trop souvent oubliée. C’est aussi le moyen de retisser du lien social, ce qui est indispensable si l’on veut une société plus fraternelle et solidaire. Or, avec le développement des politiques sociales, les citoyens se sont sentis peu ou prou déchargés de cette responsabilité.

Enfin, parce qu’il est avéré que le retour à l’autonomie est essentiel dans la lutte contre la précarité, une autre nécessité s’impose : que les personnes croient en en elle-même, que leur confiance soit restaurée. Et pour croire en soi, il faut que les autres montrent qu’ils croient en vous, et pas seulement la machine anonyme et totalisante de l’Etat. Il faut également que l’on puisse croire en l’autre, sachant qu’il sera là, le cas échéant, prêt à tendre la main.

Propos recueillis par Benjamin Lagrange

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