Xavier Génot fait partie de l’équipe de la Fédération internationale de la Croix-Rouge qui coordonne l’action du Mouvement sur la thématique de l’abri. Ici, devant le prototype d’abris transitionnel conçu par la Croix-Rouge espagnole.

Après les distributions d’urgence, la construction d’abris transitionnels est la priorité. En soutien de la société nationale haïtienne, le Mouvement Croix-Rouge s’est engagé sur la construction de 30000 abris transitionnels. Xavier Génot, architecte et ancien délégué de la Croix-Rouge française, aujourd’hui délégué « abris » pour la Fédération internationale, nous explique la complexité de cette problématique dans le contexte haïtien.

Quatre mois après le séisme on estime que plusieurs centaines de milliers de personnes sont sans logement. Qu’en est-il en termes d’abris?

La phase de première urgence est passée. L’ensemble des acteurs humanitaires ont distribué des abris d’urgence type tentes, bâches en plastiques, kits abris… Les besoins des populations semblent avoir été couverts malgré certains manques qui sont encore identifiés et auxquels on pallie. Aujourd’hui, les acteurs travaillent sur la construction d’abris transitionnels, avant la reconstruction. Mais cette phase de transition va certainement durer…

Dans leur ensemble, les agences se sont engagées sur la construction de 136700 abris transitionnels.**Comment s’inscrit le Mouvement Croix-Rouge dans cette action ?**

D’abord, il faut rappeler que nous sommes là en appui de la Croix-Rouge haïtienne, qui coordonne et valide les actions de la Croix-Rouge dans leur ensemble. Le plan d’action du mouvement Croix-Rouge/Croissant Rouge a trois composantes. Il s’agissait d’abord de couvrir les besoins de 80000 familles en abris d’urgence (tentes, bâches plastiques, kits abris…). Cet objectif est maintenant largement atteint. Mais nous restons en alerte en cas de nouvelle urgence, liée à la saison des pluies qui a commencé et à la saison cyclonique qui va suivre.

La phase de première urgence terminée, la 2e phase concerne l’abri transitionnel. La Croix-Rouge haïtienne, la Fédération et les sociétés nationales se sont engagées à construire des abris transitionnels pour 30 000 familles (1 famille = 5 personnes). Un engagement qui a été acté lors du dernier sommet du Mouvement Croix-Rouge qui s’est tenu à New York fin avril (NDLA : la Croix-Rouge française s’engage sur la construction de 2500 abris transitionnels en agglomération de Port-au-Prince).

3e composante de l’action Croix-Rouge: le soutien à 30000 familles d’accueil. En effet, nombreux sont ceux à s’être réfugiés, hors la capitale, chez des parents ou amis. Il faut donc soutenir ces familles d’accueil (logement et soutien économique) si on veut éviter que les gens reviennent à Port-au-Prince notamment. Nous avons a déjà lancé un projet pilote aux Cayes.

Concrètement, qu’est ce qu’un abri transitionnel ?

Le cluster abris (groupe de coordination inter agences organisée par la FICR) a mis en place des standards minimum à suivre, en terme de structure, de matériaux, normes de qualité (Sphère), normes anti-cycloniques… Ainsi, les abris devront mesurer 18 m2 pour une famille de 5 personnes (soit 3,5 m2 par personne), au maximum 24 m2 et si ce n’est vraiment pas possible à cause de problèmes d’espace, les cellules de 12m2 minimum seront établies.

En terme de perception, Il va aussi falloir à proposer un design diversifié, un travail sur la couleur est actuellement effectué, afin d’éviter l’effet bidonville… Au camp de base de la Croix-Rouge, deux prototypes ont été bâtis par la Fédération (12m2) et la Croix-Rouge espagnole (18m2) et des abris Croix-Rouge ont déjà été érigés à Jacmel, Carrefour et Léogane.Pour le moment, 469 abris transitionnels ont été érigés par l’ensemble des agences humanitaires.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés en termes d’abris transitionnels ?

Pour pouvoir construire des abris, il faut réunir un certain nombre de pré-requis. Il faut avoir des matériaux. En Haïti la capacité est limitée, l’importation est donc nécessaire, ce qui implique des procédures d’appel d’offres et de transport qui prennent du temps… Nous sommes aussi confrontés à de potentiels événements perturbateurs comme la saison des pluies et des cyclones.

Par ailleurs, nous sommes face à des structures gouvernementales affaiblies et à une problématique des terrains compliquée avec beaucoup de locataires, une propriété foncière difficiles à tracer.A Port-au-Prince le milieu est très dense et les problèmes d’accès sont nombreux. Acheminer les abris, 800kg de matériel au minimum, est parfois impossible vu la configuration des rues et des quartiers. C’est moins problématique à Petit-Goave ou Léogane…

Trouver des terrains libres hors la capitale est aussi difficile et la relocation doit être pensée de façon globale, car outre des logements, il faut pouvoir proposer des solutions en eau, nourriture, santé, économique et sociales si l’on veut que les gens restent sur les terrains sélectionnés…

Vous avez aussi travaillé sur les abris après le tsunami pour la Croix-Rouge française. Quel est votre sentiment sur la situation en Haïti ?

En Indonésie ou au Sri-Lanka, l’Etat était en place ce qui a permis d’avancer plus vite. Et puis on est passés très vite à des programmes de construction de maisons définitives. On travaillait plus en zone rurale, donc l’espace posait moins de problème, on avait la place pour construire. Les abris transitionnels permettaient réellement d’assurer la transition. Ici en Haïti, la situation est beaucoup plus complexe pour toutes les raisons évoquées, les contraintes sont multiples et difficiles à pallier. La phase transitoire va durer pour une période qu’on a encore du mal à évaluer. Mais on travaille d’arrache pied !

Laetitia Martin, Déléguée communication

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