Antoine Peigney, directeur des opérations internationales de la Croix-Rouge française (CRF) était en visite en Haiti, du 18 au 21 mai. Il nous livre ses impressions sur le travail accompli et nous parle des défis à relever.

Quel est votre sentiment sur la réponse à l’urgence apportée par la Croix-Rouge française ?

Dès les premiers jours après la catastrophe, à la demande de la Croix-Rouge haïtienne (CRH), nous avons déployé nos équipes, en coordination avec la Fédération internationale des sociétés Croix-Rouge (FICR). Très vite et grâce au dynamisme de nos équipes, la CRF est devenue le premier producteur d’eau potable à Port-au-Prince, en alimentant, par camion citerne, 66 sites de Port-au-Prince et Delmas pendant ces 4 mois.

Entre 180000 et 200000 personnes ont pu en bénéficier sur le grand Port-au-Prince. Sur cette zone et selon notre approche intégrée, nous avons également construit latrines et douches d’urgence, travaillé sur la promotion à l’hygiène, couvert les besoins en abris d’urgence (tentes ou bâches en plastiques), produits de première nécessité, déployé des cliniques mobiles, installé des dispensaires d’urgence à Delmas et Pétionville où nous avons également proposé du soutien psychosocial aux enfants et adultes de la commune.

Nous avons accompli un très grand travail, dont la qualité est saluée par nos partenaires du Mouvement, à commencer par la CRH.

Aujourd’hui, nos équipes de réponses à l’urgence humanitaire (ERU) se retirent progressivement, relayés par les délégués en mission humanitaire (DMI) qui eux assurent tout le travail de post-urgence et dans la durée, dans les domaines de l’eau et assainissement, la santé et la distribution. Une partie de nos activités ont par ailleurs été reprises par la Fédération internationale des sociétés Croix-Rouge (FICR) et l’autre par la Délégation Croix-Rouge française. Nous sommes dans une phase de transition et d’autres projets se mettent en place.

Justement, comment la CRF aborde-t-elle cette phase de transition ?

Nous avons couvert les besoins sur la zone où nous travaillons mais sommes toujours en veille pour combler d’éventuelles lacunes. Nous sommes en saison des pluies et entrerons bientôt dans la saison cyclonique. Nous améliorons l’existant en consolidant nos ouvrages et en construisant, par exemple, d’autres types de latrines, plus pérennes et vidangeables.

Concrètement, aujourd’hui, sur l’ensemble de nos activités, nous suivons les recommandations des autorités publiques qui souhaitent un retour à la normale et le soutien des structures haïtiennes par les partenaires humanitaires. C’est ce que nous faisons en eau et assainissement en connectant nos réservoirs au réseau de la ville de Port-au-Prince ; en santé, également, en soutenant et renforçant les capacités de 11 centres, dont 8 à Port-au-Prince et 3 à Petit-Goâve.

Nous nous positionnons, en parallèle, sur la construction de 2500 abris transitionnels dans 4 quartiers de la capitale et envisageons de réhabiliter des logements endommagés afin de faciliter le retour de la population dans ses maisons. Nous avons démarré des projets à Petit-Goâve (à l’ouest de Port-au-Prince), zone affectée par le séisme. Là, nous sommes en train de réhabiliter le réseau d’eau de la ville, qui dessert 40000 personnes. Nous commençons, par ailleurs, l’appui à trois centres de santé dans les Mornes (à l’ouest de Haïti), dont les activités avaient cessé depuis la catastrophe. Nous allons aussi proposer du soutien psychosocial à Petit-Goâve.

Haiti est le plus gros déploiement de l’histoire de la Croix-Rouge française. Quel est votre regard sur cette mission ?

Grâce à la générosité des Français et de nos partenaires publics et privés, nous engageons 24,5 millions d’euros sur deux ans pour financer nos actions en santé, eau et assainissement, distribution, abris et soutien psychosocial. A l’heure actuelle, une trentaine de délégués est en poste, avec 280 employés nationaux. Il sera difficile de diminuer le nombre d’expatriés car, contrairement à d’autres pays, les compétences manquent en Haïti. Les diplômés partent à l’étranger, malheureusement. La formation du personnel haïtien est un véritable enjeu.

Haïti est une mission expérimentale pour la CRF, à plus d’un titre : par l’ampleur du désastre, la configuration de la zone touchée, par l’ampleur de la mobilisation et le volume de moyens matériels déployés. Le séisme du 12 janvier dépasse ce que nous avons connu en dix ans d’expérience à l’international. C’est un véritable défi et cette mission sera essentielle en termes de capitalisation d’expérience.Quels sont les défis à relever ?

La CRF est présente depuis plus de dix ans en Haïti, avec un ancrage fort en zone rurale (l’Artibonite notamment), et souhaite y demeurer pour s’inscrire dans le développement. Nous faisons partie des cinq sociétés nationales sœurs (avec les CR américaine, canadienne, allemande et espagnole) qui vont rester à plus long terme aux côtés de la Croix-Rouge haïtienne, dont nous allons renforcer les capacités, selon notre mandat. Les vulnérabilités de ce pays sont grandes.En marge de la problématique du séisme, nous avons des savoir-faire, notamment en hydraulique rurale, en santé ou en réduction des risques de catastrophes sur lesquels il faut miser pour relever ces défis de demain aux côtés de la Croix-Rouge haïtienne et des Haïtiens.

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