Apprendre les gestes qui sauvent et comment réagir en cas de tempête, cyclone, incendie… Pour peut-être un jour sauver une vie : c’est possible ! Mieux, c’est à la portée de tous. A l’occasion du 25ème anniversaire de la Journée mondiale des premiers secours (JMPS), la Croix-Rouge française mise sur la formation pour mieux affronter les crises climatiques. Et dans le Val-de-Marne, où la moitié du territoire est exposé aux risques d’inondations, on sait de quoi on parle !

Sauver des vies est presque un jeu d’enfant. Et ce n’est pas Sirine, 13 ans, qui vous dira le contraire. “Passer un coup de téléphone aux pompiers et leur donner les bonnes informations, ça peut suffire ! La première chose à faire, c’est de ne pas paniquer. Mais les adultes stressent plus que les enfants. Ils devraient nous laisser faire”. La collégienne vient de suivre une initiation gratuite aux gestes qui sauvent sur la place Aristide Briand de Charenton-le-Pont, organisée dans le cadre de la JMPS. Une heure de formation a suffi à la convaincre : en cas de danger, elle peut faire la différence ! 

Cet aplomb, elle le doit à son formateur du  jour, Malek, bénévole depuis 20 ans à l’unité locale de Charenton-le-Pont/Saint Maurice. “Quand je vois des jeunes qui s'impliquent, comme elle, ça me touche. C’est important que la jeune génération développe les bons réflexes. Avec ce qui nous attend…”  Malek pense à la crise climatique. Vagues de chaleur, inondations, tempêtes, incendies… Quand les catastrophes d’origine naturelle se multiplient et menacent la santé humaine, comment ne pas céder au vertige ? 

Immersion au cœur d’une inondation

“Ici, on choisit l’action, la préparation, et on garde le sourire”, soutient Sébastien, directeur local de l’urgence et du secours. Avec son équipe, il propose différents outils de sensibilisation, pour tous les âges. Parmi eux, un atelier de réalité virtuelle plonge les passants dans un scénario catastrophe : des pluies diluviennes ont provoqué une crue. L’eau monte rapidement… Votre maison est sur le point d’être inondée. Il faut évacuer. “Nous, on habite au 5ème étage d’un immeuble. On ne se sent pas tellement concernés” sourit Alice, 47 ans, venue participer aux animations avec ses deux ados. Cette immersion n’a pourtant pas été choisie par hasard. “Une partie de Charenton, proche de la Marne, est classée zone inondable, et certaines communes voisines sont régulièrement touchées par les crues. Nous sommes tous vulnérables”, rappelle Sébastien. Lucas, 14 ans, en fait l’expérience en direct. Tout sourire, casque de réalité virtuelle sur les yeux, joystick en main, il prend les commandes. Le ton est léger, l’interface colorée, jusqu’à ce que l’écran s’assombrisse, que l’eau monte, que les sirènes retentissent. “Heu, je ne sais pas quoi faire là !” Son frère l’encourage : “Ils t’ont dit de couper l’électricité ! Et là regarde, tes voisins, il faut les prévenir !” Dans cette maison virtuelle, Lucas saisit une part de gâteau pour se donner du courage. La voix répond : “Ce n’est pas le moment de manger !” Éclats de rire. Après cette mise en situation, Lucas s’étonne : “Ça nous apprend plein de choses. Spontanément, je serais sorti le plus vite possible, sans prendre le temps de libérer le chien, ni couper l’électricité et le gaz. D’ailleurs, chez nous, c’est où le gaz maman ?”

Optons pour les bons réflexes !

Se préparer à l'inévitable n’empêche pas l’inquiétude. Mais anticiper donne confiance. Face au danger, se protéger, soi et ses proches, c’est avant tout se poser les bonnes questions. Par exemple, si vous deviez quitter en urgence votre logement, qu’emporteriez-vous avec vous ? Pascal, responsable local de formation, sonde les participants dans la tente voisine. Il encourage les curieux de passage à préparer leur sac d’urgence, avec l’essentiel pour couvrir leurs besoins vitaux : manger, boire, se soigner, se signaler. Pablo, 6 ans, s’amuse des différentes options de ce kit d’urgence  : un miroir pour réfléchir la lumière et signaler sa présence, un briquet pour faire du feu… “Pas pour fumer hein, moi je ne fumerai jamais !”. Mais qui songerait dans la panique à y glisser des barres de céréales ou une copie de ses papiers d’identité ? Benoît, 45 ans, reconnaît ne pas être préparé à ce type d’éventualité. “Pourtant, cet été, on était dans l’Aude pendant les incendies… On s’est retrouvés démunis. On n'a pas toujours les bons réflexes. Il m'est aussi arrivé de casser du matos en pleine mer sur un voilier ou de me perdre en forêt pendant un jogging. Ça suffit pour se dire qu’un accident, ça arrive. Alors mieux vaut anticiper !”

La vie des autres entre vos mains

Un événement climatique extrême est par définition inattendu. Son ampleur peut surprendre et complexifier la prise en charge des victimes. C’est là que la formation aux premiers secours prend tout son sens. Que faire si l’hôpital le plus proche a été emporté par les flots ? Si un glissement de terrain rend les routes impraticables pour les secours ? La vie des autres peut subitement dépendre de vous. Ȇtre formé aux gestes qui sauvent donne à chaque citoyen le pouvoir d’agir.

À ceux qui froncent les sourcils, sans voir le lien entre un massage cardiaque et un cyclone, Damien, directeur territorial adjoint à la formation du Val-de-Marne leur répond : “Faire un massage cardiaque, ce n’est pas qu’un geste technique. C’est être capable de repérer des signes de détresse chez l’autre, de déclencher une chaîne de solidarité pour la survie de cette personne. Face à une catastrophe d’origine naturelle, c’est le même principe : un événement brutal déstabilise une personne et son entourage. Les mêmes réflexes développés à l’échelle individuelle, peuvent se décliner à l’échelle collective”.

Adopter les bons comportements et s'entraider devrait être un automatisme partagé par tous. Alors qu’une personne sur 10 seulement déclare maîtriser les gestes qui sauvent, la Croix-Rouge française s’est fixé un cap ambitieux : former  80 % de la population. Dans 9 situations d’urgence sur 10, c’est un proche qui est en danger. Et les premières minutes sont décisives : chacun d’entre nous peut être le premier à intervenir, avant l’arrivée des secours. 

A Charenton-le-Pont ce samedi, notre association a trouvé de bonnes ambassadrices. Après leur initiation aux premiers secours, Adèle 11 ans et Lou-Anne, 10 ans, semblent bluffées par leurs propres exploits : “On a réussi à sauver des mannequins ! L’un avait mangé trop de médicaments, l’autre s’étranglait avec un petit bout de gâteau en jouant à la dinette. J’ai appris à utiliser un défibrillateur, à faire un massage cardiaque… Mais il faut encore que je m’entraîne. Je vais essayer sur Darwin, mon ours en peluche…” Interrompues par la sirène d’une ambulance, les voilà qui hurlent dans sa direction : "Rentrez chez vous, c’est trop tard, on a sauvé tout le monde !” Qui sait, une vocation est peut-être née.

Texte : Anne-Laure JEAN - Photos : Alex BONNEMAISON

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