À Saint-Jans-Cappel, on chante la Marseillaise tous les jours !
Publié le 12 août 2024
Situé en pleine campagne, à quelques encablures de la Belgique, le Pôle handicap 59 de Saint-Jans-Cappel ressemble à un hameau. Vu de l’extérieur, tout est paisible. Mais à l’intérieur, c’est tout autre chose. Anne-Sophie, Nicolas, Laëtitia, Caroline, Marie-Pascale et Malika sont tout excités. Angèle, aide médico-psychologique, sourit “Ils sont moins fatigués que nous ! ” Marion, la directrice adjointe, nuance : “ils ressentent de la fatigue, mais ils sont tellement contents et motivés, qu’ils passent outre. C’est très fort émotionnellement pour nous tous, de les voir aussi heureux”.
Heureux de se rendre chaque jour, quelle que soit l’heure, au Stade Pierre Mauroy à Lille. Ils font en effet partie des 700 volontaires engagés sur le site où se déroulent les épreuves olympiques d’handball et de basket. Le seul détail qui les distingue des autres, c’est un mini porte-cartes accroché à leur accréditation, composé de pictogrammes, “au cas où ils auraient un problème ou une question, pour bien se faire comprendre”, explique Mélanie, éducatrice spécialisée. Car même s’ils se montrent très débrouillards, nos six volontaires sont atteints d’une déficience intellectuelle ou d’autisme à différents degrés, et certains n’ont pas la parole. Il n’empêche, une fois en poste, ils font preuve d’une jovialité incroyable.
Le regard des autres
La petite troupe a su très vite s’intégrer à “la team” du stade. Dès qu’elle arrive dans l’espace volontaires, elle est repérée. Les autres bénévoles viennent la saluer, prendre des nouvelles. Puis, le “team leader” lui indique la mission du jour : soit au scan des accréditations, soit à l’orientation du public aux entrées et sorties, soit au placement des spectateurs dans les tribunes. “C’est idéal qu’ils soient ainsi au cœur du public et des Jeux comme ça, observe Alexis, chargé des projets inclusifs au Pôle handicap. Ils sont bien perçus, que ce soit par leurs pairs ou par les gens. Certes, il y a toujours ce premier regard, mais c’est plutôt de la curiosité, de l’interrogation. Il n’y pas de freins”. Au contraire même, lorsqu’ils font la ola à l’arrivée des spectateurs sur le site, beaucoup leur lancent des “bonjour ! Bravo ! Bon courage !” avec un grand sourire. Malika, la pile électrique du groupe, est sur un nuage : “Il y a beaucoup de monde ! On crie beaucoup “Allez la France !” J’ai plus de voix !”, dit-elle tout excitée. Et en dépit d’un rythme soutenu et de longues journées, “ils chantent la Marseillaise à tue-tête sur tout le trajet du retour !”, s’amuse Alexis.
“Nous, aux Jeux olympiques ???”
Pour leurs six accompagnants, restés spécialement en service pour vivre ces Jeux avec eux, cette parenthèse dans le quotidien est un vrai bonheur. Et pourtant, au départ, on n’y croyait pas !”, rappelle Marie-Angèle Baffin, la directrice du Pôle handicap du département du Nord. Tout a commencé le 1er mars 2022, lorsqu’elle reçoit un mail étrange. L’objet est le suivant : “En route pour les JO !” La directrice lit et relit le message, le montre à son équipe pour être certaine d’avoir bien compris. Ce mail émane de Virginia Billon, la directrice nationale de la filière handicap de la Croix-Rouge française qui propose à des personnes en situation de handicap de participer aux Jeux de Paris 2024. “Participer comment ? Pour quoi faire ?”, s’interroge alors l’équipe qui décide de sonder les personnes qu’elle accompagne. Et de fil en aiguille, une petite musique a commencé à se faire entendre… Durant presque deux ans, Marie-Angèle et son équipe vont sensibiliser les 6 futurs volontaires à leur future mission : “on a vraiment procédé pas à pas, en les emmenant au stade de Lens voir des matchs de football, puis on a fait appel à des conseillers numériques pour les habituer aux écrans et procéder à leur inscription aux Jeux. On a monté des ateliers pour leur présenter les anneaux olympiques, leur expliquer ce que c’était, leur montrer des athlètes handicapés…” Et puis, à la mi-2023, les premières réunions sur la “mission sourire” ont débuté. À partir de ce moment-là, l’équipe s’est consacrée à expliquer en détail le rôle qui était attendu d’eux. “On s’est engagé, on avait la responsabilité de tenir cet engagement, parce qu’on était attendu et aussi pour la Croix-Rouge”, affirme Marion.
Anne-Sophie, Nicolas, Laëtitia, Caroline, Marie-Pascale et Malika “ont compris qu’ils allaient “travailler” et ils ont été tout de suite très engagés !” rappelle Marie-Angèle. Mais ce n’est qu’au moment où ils ont reçu leur accréditation et leur tenue qu’ils ont réalisé véritablement. “Ça a été un grand moment. On s’est dit, on est prêts !”, se souvient Marie-Angèle. “C’est un projet grandiose, extraordinaire !”, dit-elle aujourd’hui, après avoir vécu cette aventure humaine.
“Et si les Jeux n’avaient pas eu lieu à Lille, on serait allés à Paris !, complète Marion. Pour rien au monde on aurait manqué ça !”