Deux ans après le séisme qui a ébranlé le Maroc et plus particulièrement les localités de Marrakech, d’Al Haouz, Chichaoua et Taroudant, les conséquences se font toujours profondément ressentir, bien au-delà des destructions matérielles. Sur place, le Croissant-Rouge marocain et la Croix-Rouge française mènent ensemble un travail de fond sur la santé mentale et le soutien psychosocial.

Au-delà de l’urgence, le besoin d’un accompagnement sur le long terme

Immédiatement après le séisme, des interventions de soutien psychosocial se mettent en place dans les zones les plus touchées. Mais très vite, une réalité s’impose : les séquelles psychologiques ne se résorbent pas en quelques mois. « On pense souvent qu'une catastrophe s'arrête lorsqu’on a distribué des tentes et de la nourriture. Mais les traumatismes psychologiques, eux, peuvent durer des années. », explique

Cheffou, notre référent technique sur la santé mentale et le soutien psychosocial, déployé au Maroc. Lui qui a travaillé sur d’autres terrains difficiles, auprès notamment des populations déplacées au Tchad, sait reconnaître ces signaux de détresse ou de mal-être.. Grâce à son expertise, nous mettons en œuvre, avec le Croissant-Rouge marocain une réponse structurée, durable et adaptée aux besoins psychosociaux des populations touchées par le séisme.

Prévenir et sensibiliser

Ainsi, des campagnes de promotion de la santé mentale sont menées auprès des communautés dans les régions les plus sinistrées. Il s’agit de lever les tabous, reconnaître les signes de souffrance psychique et encourager les populations à demander de l’aide.

Une fois les personnes identifiées comme vulnérables, on crée des espaces sûrs pour les accueillir et on propose des groupes de parole, notamment pour les femmes qui peuvent ainsi trouver un cadre protecteur pour s’exprimer.

« Ces espaces permettent aux femmes d’exprimer leur douleur, de partager des techniques de relaxation, d’échanger des expériences. », explique Cheffou.

Khadija, veuve membre de groupe de parole communautaire témoigne : “nous avons décidé de nous retrouver chaque semaine pour parler de ce que nous vivons. Ce n’est pas facile, mais ça nous aide à nous sentir moins seuls. Grâce à l’accompagnement des équipes du Croissant Rouge Marocain dans le cadre du projet santé mentale et soutien psychosocial, nous avons compris que parler, c’est déjà guérir.“

Les thématiques sont adaptées aux besoins exprimés : stress, état de stress post-traumatique, troubles du sommeil, tensions familiales, parentalité, renforcement de soutien social et communautaire. Et lorsque des besoins plus profonds sont identifiés, les personnes peuvent bénéficier d’un accompagnement individuel ou être orientées vers des structures plus spécialisées.

Les traumatismes silencieux des enfants

“Depuis le séisme, mon enfant rencontre des difficultés à bien dormir “. Ce témoignage d’une mère, recueilli par Cheffou, illustre la fragilité silencieuse des plus jeunes face aux traumatismes. Contrairement aux adultes, les enfants n’ont pas toujours les mots pour exprimer leur douleur. C’est pourquoi des activités socio-récréatives à visée psychosociale leur sont proposées, afin de leur offrir un espace d’expression adapté. Ces initiatives permettent aussi d’accompagner les parents, avec des groupes dédiés à la parentalité ou à la gestion du stress. “Aider les parents pour mieux aider les enfants”, résume Cheffou. Cela ouvre une réflexion importante : comment intégrer durablement les enfants dans les dispositifs de santé mentale post-catastrophe, eux qui sont souvent oubliés dans les réponses d’urgence ?

Prendre soin de ceux qui prennent soin

Autre aspect innovant : la mise en place du dispositif de soutien psychosocial à destination des intervenants notamment les volontaires et le personnel du Croissant-Rouge marocain. Pouvant être soumis à une forte pression émotionnelle, ils ont eux aussi besoin de soutien.

« C’est rare dans les interventions humanitaires. Mais ici, au Maroc, un dispositif staff care permet aux intervenants de consulter des psychologues externes, en toute confidentialité. », explique Cheffou.

Des formations aux premiers secours psychologiques sont également déployées auprès des volontaires. Cela leur permet de mieux gérer leur propre stress, mais aussi de repérer et orienter les personnes en souffrance.

Le Croissant-Rouge marocain, aux côtés de la Croix-Rouge française, défend une approche qui s'inscrit dans la durée, au-delà du seul temps de l’urgence humanitaire. La santé mentale doit être une priorité. Elle mérite des réponses aussi durables que les blessures à long terme qu’elle cherche à guérir.

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