Un zeste d’adrénaline, une sacrée dose d’organisation, et de la confiance en des équipiers plus que motivés ... Voilà les principaux ingrédients qui, depuis près de dix ans, réunissent à Montpellier les bénévoles secouristes de l’Hérault et d’ailleurs, mobilisés à l’occasion du festival international des sports extrêmes. Un événement mythique, pour les "petits nouveaux" comme pour les "anciens".

Elles ont le regard encore timide, presque furtif, alors qu’autour d’elles, ça s’agite, ça rigole, ça papote. En attendant le brief à venir, "les collègues", un café à la main, prennent des nouvelles des uns et des autres, avant de se raconter « leurs interventions » de la veille sur le FISE - le Festival international des sports extrêmes de Montpellier. Le 4e jour de l’événement pointe en effet le bout de son nez. En ce samedi, plus de 100 000 spectateurs sont attendus, venus admirer les prouesses de quelque 1 800 riders de tous pays. BMX free style, flatland, breaking, parkour, roller, skate ou trottinette… Si le nom de certaines de ces disciplines a de quoi déconcerter le néophyte en sports urbains, la plupart des montpelliérains les connaissent sur le bout des doigts, eux qui accueillent depuis des années le rassemblement, synonyme d’étape de coupe du monde pour nombre des sportifs présents. Et nos bénévoles secouristes ne sont pas en reste, eux qui assurent depuis près de dix ans le dispositif prévisionnel de secours (DPS) mis en place pour l’occasion.

Place au terrain

Silencieuses, Armelle, 47 ans, et Alysée, 18 ans, écoutent les récits des uns et des autres. La journée a été plutôt tranquille hier – beaucoup de “bobologie”, suite à des chutes ou des malaises, pour la plupart sans gravité… Six évacuations en ambulance quand même, mais une seule pour un "code rouge" - une victime en détresse vitale : un trauma abdominal chez un jeune du public ayant chuté lors d’une compétition "sauvage" entre copains. Impressionnées, Armelle et Alysée sourient mais ne pipent mot. Elles osent à peine dire l’excitation qui monte, confiant plus volontiers leur fébrilité. Armelle le dit sans ambages, elle est « méga stressée ». « Avec Alysée, on a terminé notre formation d’équipières secouristes il y a tout juste trois semaines, et aujourd’hui, c’est notre premier jour sur le terrain, notre premier DPS. J’ai beau me répéter que si je suis là c’est que je le mérite, que j’ai été hyper bien formée… J’ai beau savoir que c’est super bien géré, je n’y peux rien, je stresse. C’est tellement énorme le FISE. »

Le regard en coin, Tiphaine sourit. Ce jeune prof de droit se souvient sans peine des émotions qui l’ont traversé lors de son premier FISE - l’année dernière, quelques jours à peine après sa formation d’équipier secouriste lui-aussi. L’appréhension, oui. Les premières heures le laissant scotché tant le dispositif lui semblait complexe. Et puis, très vite, l’adrénaline terrain qui monte, et se fait tellement forte que, plutôt que de rester en poste quelques heures comme prévu, on reste filer un coup de main sans parvenir à partir ! Celui qui a, depuis, pris des responsabilités à la délégation territoriale, le sait désormais : « Oui, le FISE c’est impressionnant. Oui, l’organisation du DPS impose une préparation aux petits oignons. Mais c’est justement pour ça que c’est un terrain d’apprentissage fantastique, où chacun a sa place, son importance, quel que soit son rôle. »

Fiches de briefing en main, Clément, président de la délégation territoriale de l’Hérault, opine. L’accueil des nouveaux bénévoles, c’est un peu son dada - « j’ai envie que les nouveaux puissent vivre sans attendre ce pour quoi ils sont venus frapper à notre porte ». Alors oui, la formation est essentielle. L’homme en est persuadé : « un diplôme ne s’use que si on ne s’en sert pas. Et un jeune secouriste est prêt, la seule chose qui lui manque c’est l’expérience, le terrain – le stress lui, est logique, et plutôt sain. D’ailleurs les chefs d’équipe sont justement là pour que tout se passe bien ».

En plus, il le sait : « le FISE est l’un des DPS les plus attendus du département, sans doute le plus attendu d’ailleurs. L’adrénaline, toujours. « L’envie d’être utile. Sur un événement mythique », souffle Grégor, 17 ans. « Le FISE c’est aussi ça - un événement phare au cours duquel les gens, qui nous voient parfois comme des bénévoles de kermesse, réalisent qu’être secouriste… ce n’est pas de la blague », ajoute Maïa-Camilya.

A observer les visages studieux des bénévoles, campés droits dans leurs uniformes lors du briefing de Clément et de son acolyte, Sara (directrice territoriale de l’urgence et du secourisme), on comprend d’ailleurs vite, qu’effectivement, « ce DPS ce n’est pas de la blague. »

Même si la pluie risque de perturber les choses, « historiquement, le samedi est la plus grosse des cinq journées de FISE, rappelle Clément. La foule va être nombreuse, et les riders, entrant en phase finale de compétition, vont prendre de plus en plus de risque. On peut avoir à réaliser 120 à 150 interventions. Donc vigilance. » Sara enchaîne. Elle glisse que, « l’événement étant diffusé en direct à la télévision, l’attitude de chacun doit être irréprochable », avant de rassurer ses troupes : « Si tout se précipite, n’essayez pas d’aller au plus vite, mais allez au plus important. Pas d’inquiétude, vous saurez quoi faire, vous ne serez jamais seuls. »

En position

Dernier rappel des procédures radio, récap des éléments clés de la réalisation d’un bilan d’urgence vitale… avant que chacun ne parte prendre son poste - « son application de géolocalisation Minutis en état de marche hein ! ». Au plus fort de la journée, les bénévoles secouristes sont une soixantaine - pour l’essentiel des filles et des gars du département, accompagnés cette année d’une poignée de renforts venus du Vaucluse, de l’Isère et d’Ile-de-France. Armelle rejoint l’un des deux postes de secours avancé (PSA), se faisant face, sur les deux rives du Lez - un peu rassurée, sous la tente, on est cinq, pratique pour poser une question si l’on doute. Alysée s’éloigne, tout sourires, en binôme, vers les rampes où officient adeptes du skate, de la trottinette et du roller.

Guillem lui, file avec son équipe prendre place au pied des rampes de BMX. Le poste est l’un des plus impressionnants du dispositif, les riders s’envolant parfois à plus de six mètres dans les airs… Le risque de chute y est donc maximum.

« Le truc de fou avec le FISE, c’est que, vu les prouesses techniques des athlètes engagés, on n’a surtout pas envie que les gars - et les filles - se fassent mal… et qu’en même temps on rêve d’intervenir. L’adrénaline de l’événement déteint sans doute un peu sur nous ! », observe Athénaïs, 18 ans, depuis la rive opposée. Soudain, la radio de Sofiane, son chef d’équipe, grésille –appel du PC (le poste de commandement). Les quatre compères de l’équipe mobile entament une course de 800 mètres au milieu de la foule, dense. Skate à la main et casquette vissée sur le crâne, un enfant a chuté entre deux barrières. Sa mère est inquiète. Le bilan est rassurant - plus de peur que de mal finalement. Un coup de spray désinfectant et un pansement plus tard, le petit gars peut repartir admirer ses idoles.

Equipiers soudés

Sonneries de téléphone, appels radios en continu, et écrans d’ordinateur sur lesquels s’affichent géolocalisation des secouristes mobilisés, plannings des présents, et retransmission des exploits des sportifs … Le PC central bourdonne. Assurer tout à la fois la sécurité du public et celle des riders impose une vigilance de tous les instants. « On n’est jamais sereins. Et tant mieux en un sens - un imprévu est toujours possible. On s’y prépare d’ailleurs depuis janvier, confie Sara. L’équipe est ceci dit rodée - ses dix années de travail avec organisateurs du FISE et autres paie. « C’est que la sécurité d’un tel événement ne s’impose pas, elle se co-construit, avec tous. Aujourd’hui, la confiance est mutuelle », souligne la jeune femme.

A ses côtés, après avoir répondu à un nouvel appel radio, Tiphaine part relever Morgane au PC interservices. Un dernier coup d’œil à son fichier, et Sara finalise le planning de son roulement d’équipe. Tiphaine n’est pas le seul à changer de poste. « On a prévu des roulements toutes les trois heures. Car il y a des postes plus compliqués que d’autres. Impossible de demander à quelqu’un de rester debout six heures durant en plein cagnard », ou sous la pluie, qui, ce jour-là tombera dru. « Il faut que les bénévoles soient bien - qu’ils puissent, eux aussi, souffler, et profiter », insiste-t-elle.

Sur la rive opposée, la radio du second PSA grésille - une des équipes mobiles arrive, brancardant une touriste anglaise qui a chuté sur les pentes du Lez. Son genou, déjà fragile, a l’air d’avoir pris un sacré coup. Coups de stress et accalmies se succèdent. Au final, rien de dramatique ce jour-là - comme sur l’ensemble des cinq jours d’ailleurs. L’effet pluie peut-être ? Pour Lucie, dont c’est le premier FISE, peu importe en fait. « Le FISE, c’est impressionnant. Un poil de peur, de l’adrénaline. C’est génial. On apprend tellement en quelques jours. D’ailleurs, j’ai posé mille questions aux collègues ! », lance-t-elle les yeux brillants. Sara sourit. Oui, « l’événement est formateur - tous nos nouveaux bénévoles développent de nouvelles compétences. Les cadres aussi d’ailleurs ! Il est fédérateur, et ça aussi c’est génial. » Qu’en pense Armelle ? Toujours stressée, avoue-t-elle. Mais ouf, il n’y a rien eu de grave. Et oui, elle aussi a appris ! « La solidarité des équipiers, ça joue. Il faut se lancer. D’ailleurs, je me suis inscrite à deux nouveaux DPS. »

Reportage Elma Haro I Photos Christophe Hargoues

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