Enceinte attitrée de l’équipe de rugby du Stade français, Jean Bouin accueillait dimanche dernier un tout autre spectacle : un marathon-relais à boucler en équipe de six coureurs. Et qui dit événement sportif dit secours. Alors forcément, nous étions là ! Dès 6h15, nos volontaires étaient à pied d’œuvre pour préparer le dispositif prévisionnel de secours (DPS). Une charnière bien huilée qui, une fois de plus, a montré toute son efficacité.

7h30, dimanche 23 juin, derniers préparatifs. Nous sommes dans les vestiaires du stade Jean Bouin (Paris, 16e), transformés pour l’occasion en infirmerie. C’est ici que seront conduits les coureurs en cas de besoin. Gautier, le chef de poste, rassemble l’équipe pour le briefing. Une douzaine de volontaires secouristes de la Croix-Rouge ont fait l’impasse sur la grasse matinée pour être présents aujourd’hui. « Le réveil a sonné à 4h mais manquer ce dispositif n’était pas une option », raconte Fetthi, qui veut être bénévole secouriste depuis qu’il a vécu, enfant, le grand tremblement de terre de 2003 en Algérie. Porter assistance, être là, aider les gens : des leitmotiv pour l’ensemble de l’équipe, attentive aux dernières recommandations avant le départ. « Ekiden est un marathon-relais ouvert au plus grand nombre, insiste Gautier. Ils sont six pour parcourir 5 km, 10 km, 5 km, 10 km, 5 km et 7,195 km. Il y a donc des gens de tous niveaux et il fait beau. Soyez vigilants ! »

Parés pour un arrêt

Le départ, l’arrivée et le passage de relais se font à l’intérieur du stade Jean Bouin, avec plus de 4 000 coureurs inscrits. Alors à quelques minutes du coup d’envoi, nos volontaires se positionnent chacun à leur poste : à proximité du poste de secours avancé (tente Croix-Rouge sur le terrain), en binôme « volant » sur la pelouse, dans l’infirmerie pour assurer l’accueil et, pour l’équipe du véhicule de premiers secours à personnes (VPSP), en alerte afin de lever le camp immédiatement en cas d’appel.

Le plan du match a été clairement établi, les radios sont allumées, c’est parti. Dans le stade, les premiers relayeurs laissent la place aux suivants qui s’échauffent en musique, quand les gradins s’agitent de familles et amis venus les encourager. « Nous arpentons volontairement la pelouse au milieu de tout le monde, indique Valérie. Dans certains cas, les personnes viennent directement sous la tente ou à l’infirmerie, dans d’autres, c’est nous qui venons à elles. C’est important qu’elles nous voient, nous identifient. » L’uniforme Croix-Rouge est un vrai plus et, dans les mains de la secouriste et de son binôme, Maylis, il y a tout le nécessaire pour agir : le défibrillateur semi-automatique (DSA) et le sac d’intervention pour les petits soins. « Nous sommes parés pour un arrêt cardiaque comme pour une égratignure », ajoutent-elles avant de poursuivre leur ronde.

Douceur et efficacité

9h15, les radios crépitent. Un coureur fait un malaise à quelques centaines de mètres du stade. A bord du VPSP, Sinclair, Sasha et leurs acolytes se mettent en route sans tergiverser. Calmes et concentrés, ils montent à bord du véhicule et se rendent sur les lieux. L’homme a une trentaine d’années, il est conscient mais en petite forme. « Comment vous appelez-vous ? », « ça faisait longtemps que vous étiez allongé avant notre arrivée ? », « vous prenez un traitement ? ». Le coureur est pris en charge avec douceur et efficacité. « Monsieur, ne vous endormez pas s’il-vous-plaît. Si vous faites la sieste, on ne peut pas savoir comment vous allez ! », lui dit Sasha à l’arrière du véhicule, associant parfaitement pointe d’humour, sécurité et fermeté. Rapatrié vers l’infirmerie, où il se reposera une partie de la matinée, le participant confie n’avoir pas pris de petit-déjeuner. Un loupé, sans gravité certes, à condition d’être pris en charge comme il se doit… « L’intervention s’est bien passée », confirme l’équipe, qui ne sait jamais ce qu’il va trouver avant de se mettre en route. D’où la nécessité d’être prêts, prêts à agir, prêts à aider.

Même les petits bobos

Pendant ce temps, au stade, les coureurs se passent le relais. L’ambiance est au rendez-vous. Les visages prennent des couleurs à mesure que le soleil s’élève au-dessus des tribunes. Dans l’infirmerie, une personne qui a fait un léger malaise reprend des forces. Une autre se fait soigner le poignet droit, une autre encore sirote une boisson sucrée sous le regard attentif de Boris. Avec Adrien, ils prennent soin de ceux qui en ont besoin. « Nous faisons attention à tout, même aux petits bobos. Il n’y a pas de ‘petite’ prise en charge. » Pour une manifestation de ce type, nos volontaires ont dimensionné le dispositif plusieurs jours avant. « Nous avons regardé le parcours, les moyens, les risques, raconte Gautier. Nous savons gérer l’urgence, la foule, le stress. Notre présence est rassurante, pour l’organisateur comme pour le public. »

Une présence rassurante, donc, et bien plus encore. Un appel radio nécessite une intervention immédiate. Brancard en main, nos volontaires s’élancent sur la pelouse. Un jeune homme vient de faire un malaise en franchissant la ligne d’arrivée. Respiration, pouls, pression artérielle, température corporelle et saturation du sang en oxygène : les constantes sont prises sans délai, la personne installée en position latérale de sécurité (PLS). Le verdict est clair : avec une température tympanique (prise à l’oreille) de plus de 42°C, elle est en hyperthermie. Évacuation vers l’infirmerie.

Dans les starting-blocks

« Restez avec nous », « on ne s’endort pas », « on ne bouge pas ». Tout en appliquant des poches de glace sur les zones stratégiques, l’équipe se relaie pour que le jeune homme ne perde pas connaissance. Objectif : faire baisser sa température, et vite. La prise en charge n’est pas des plus simples, mais les secouristes sont efficaces et coordonnés. Masque à oxygène, douche froide intégrale, poches de glace… aux grands maux les grands remèdes. Ensuite, c’est la structure mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) qui prendra le relais. Cette urgence absolue (UA) nécessite une prise en charge médicalisée. « Nous avons fait notre devoir. Nous avons pris soin de cette personne, nous avons géré les premiers secours. Ensuite, on cède la place aux médecins », détaille Gautier. Comme dans une équipe de rugby, le travail en équipe, la coordination et la coopération sont essentiels pour porter secours et assistance. A quelques semaines des Jeux olympiques et paralympiques, nos volontaires ont montré une fois de plus qu’ils étaient formés, engagés et tout simplement dans les starting-blocks pour aider la population, de la piqûre d’abeille à l’hyperthermie en passant par les luxations et chutes de tension. « Merci d’avoir été là aujourd’hui », conclut Gautier. En ce début d’après-midi, il est temps de quitter le terrain. Jusqu’à la prochaine fois.

Texte : Alice Aubin / Photos : Guillaume Binet

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