A dix mois du rendez-vous olympique, et de la mobilisation massive des bénévoles secouristes sur les Jeux 2024, un "test event" de l'épreuve olympique de VTT cross-country se tenait, le 24 septembre, sur la colline francilienne d'Elancourt. Pour les athlètes de la discipline, c'était l'occasion, unique, de découvrir le terrain sur lequel ils s'affronteront lors de Jeux en 2024. Et pour les équipiers secouristes présents, un avant-goût riche en émotions d'un événement planétaire mythique.

Le frisson est là, palpable. « Ça y est le compte à rebours est lancé. Et être présents sur le terrain aujourd'hui, ça permet de s'en rendre compte - pleinement, physiquement ! Les Jeux, c'est demain, enfin presque. » Les yeux de Dominique pétillent. Ses mots disent ce qui traverse nombre de ses coéquipiers secouristes réunis ce matin-là sur le site olympique d'Elancourt, dans les Yvelines. « L’excitation qui monte. Une pointe de fébrilité aussi - non pas en raison de l'ampleur du dispositif, ça on y est habitués. Non, c'est plutôt… de l'expectative. Car les Jeux c'est unique, on ne vit ça qu'une fois dans sa vie, et encore ! Alors on s'interroge. Quelle sera l'atmosphère ? La dimension de l'événement aura-t-elle un impact sur notre rôle en tant que secouristes ? Mais bon, justement, on est là pour ça aujourd'hui ! Et c'est sympa de pouvoir se mettre en jambes. De pouvoir faire en sorte que tout soit bien organisé, bien carré… Si c'est le cas, le jour J ce sera du pur bonheur. » La Croix-Rouge française ayant gagné en groupement de nombreux appels d'offres pour assurer la sécurité civile de la majorité des sites olympiques, des dizaines de bénévoles secouristes seront mobilisés sur ce même site dans un peu moins de 300 jours.

Ce dimanche là, comme Dominique, ils sont une quarantaine de secouristes à avoir répondu présents pour l'événement. Les mordus de sport sont là, ceux que le cyclisme laisse froids aussi… Peu importe en fait. « L'important c'est d'être là », sourit Dama. Le jeune homme et ses acolytes ont quitté leur Val-de-Marne aux aurores pour être à pied d'œuvre dès 8 heures. N'y a-t-il donc aucun secouriste dans les Yvelines ? Si, bien sûr ! Mais ce dimanche, ils sont mobilisés ailleurs - sur le Paris-Versailles, cette course à pied de quelque 16 kilomètres entre la tour Eiffel et le château de Versailles, qui rassemble chaque année plus de 20 000 coureurs. « C'est ça aussi la force d'une équipe Croix-Rouge, constituée de pleins de petits maillons, capables d'être là les uns pour les autres, les uns avec les autres », commente Dominique. Cette capacité à se mobiliser pour prêter renfort est d'autant plus importante qu'en 2024, « pendant les Jeux, la vie ne va pas s'arrêter vous savez. Il n'est pas question de laisser tomber ceux qui ont besoin de nous au quotidien. On sera là, pour tous », ajouteChristine, directrice territoriale de l'urgence et du secourisme du Val-de-Marne, qui chapeaute ce jour-là l'ensemble des équipiers.

Secouristes, un collectif

Des gars et des filles du Val-de-Marne venus en renfort dans les Yvelines. D'autres qui, sans être présents physiquement, se sont mobilisés aussi - dans le Rhône et dans la Somme, en prêtant deux quads équipés d'une civière, permettant de transporter une personne blessée sur terrain accidenté. Et ils ne sont pas les seuls. Ce matin-là, lors du briefing, au sable et corail de l'uniforme de la Croix-Rouge se mêlent ainsi le blanc de trois secouristes de la Croix-Blanche, et le rouge de trois secouristes de l'Unass. « Logique après tout - on avait besoin de nous, et lors de Paris 2024, on sera d'ailleurs présents ensemble sur nombre d'épreuves », sourit Cédric, secouriste à l'Unass qui arrive de l'Eure. Le gigantisme des Jeux fait appel à toutes les forces vives du secourisme.

Lorsque Jérémy, coordinateur de la société de médecins et paramédicaux présents ce dimanche prend la parole pour le briefing, tout le monde se tait. Journée test ou pas, la sécurité des athlètes et du public est en jeu. Et le VTT cross-country est un sport à risque. Mieux vaut donc avoir en tête les zones clés de la piste olympique de 4,3 km, créée ex-nihilo sur la colline d'Elancourt, point culminant d'Ile-de-France (231 m).

Pierres, rondins… le risque de chute est là. Mais Jérémy prévient: « on ne s'engage pas sur la piste sans être sûr que l'organisation sait que vous y êtes. Et puis surtout, n'oubliez-pas, les athlètes présents aujourd'hui sont des pros. Et c'est la seule occasion qu'ils ont de repérer le terrain sur lequel ils devront s'affronter dans quelques mois. Alors s'ils chutent, ne leur sautez pas dessus de suite. S'ils se relèvent direct et vérifient l'état de leur vélo avant le leur, dites vous qu'à priori tout roule. En revanche, si ça traîne même un peu, que vous les sentez mal sur leurs jambes, que vous soupçonniez une commotion cérébrale, vous tentez de les arrêter oui. Mais rappelez-vous, sauf exceptions gravissimes, la compétition ne s'arrêtera pas. »

Dernier regard jeté, ensemble, sur le tracé de la piste, dernier rappel des procédures radio, un focus sur le logiciel de géolocalisation utilisé ce jour-là… Avant que chacun ne parte prendre son poste, Jannick rassérène les troupes - « on est sur une journée de test-event, la première à accueillir du public qui plus est. Il y aura forcément des choses qui ne fonctionneront pas comme on le voudrait. Mais pas d'inquiétude, c'est l'objectif – roder le dispositif. » En place.

Parés, les secouristes positionnés tout au long du parcours, grimpent la colline pour rejoindre leurs positions. Avant que les athlètes ne s'élancent pour l'entraînement, Valérie et Morgane prennent leurs marques en bordure de l'une des zones les plus risquées - une pente raide, parsemée d'impressionnants amas de roches. Parées à l'exercice d'entraînement prévu. L'une des leurs joue le rôle de la victime – une chute et une suspicion de trauma du rachis. En quelques secondes, elles ont évalué la situation, rejointes par l'équipe médicale positionnée quelques mètres plus bas. Pose de collier cervical, mise de la victime sur un plan dur, puis transfert sur une barquette afin de pouvoir la transporter jusqu'au point d'évacuation le plus proche, aidées de Camille et Valérie, appelées en renfort.

Être prêts

Ajuster, encore et toujours. L'enjeu Paris 2024 l'impose. Transports, accueil des spectateurs -3 000 ce jour-là- et bien sûr, dispositif de sécurité, tout doit être au cordeau. Directeur territorial de l'urgence et du secourisme dans les Yvelines, Cédric, son acolyte Pierre, et Christine, y travaillent depuis des mois. Les Jeux sont une grosse machine très codée, la coordination entre des dizaines et des dizaines d'acteurs est indispensable.

Des couacs, il y en aura finalement peu ce jour-là. Si ce n'est une ambulance embourbée en contrebas de la colline. Il a plu ces derniers jours, et en dépit des monceaux de paille disséminés sur le site, la terre est grasse. Mais en deux temps trois mouvements, les secouristes ont dégagé le véhicule. « Les ptits imprévus, les couacs, c'est normal – et puis c'est justement ce qui nous permet de nous améliorer. Tous. D'ailleurs vous savez, quand tout roule, on perd en réactivité. Et la réactivité, la capacité à se remettre en question, c'est crucial. D'autant que ça nous rappelle que la vie d'autrui est potentiellement en jeu », commente Dominique.

Alors que des vivas accueillent la victoire des français Loana Lecomte et Victor Koretzky, chez les femmes comme chez les hommes, côté secouristes, la journée s'avère finalement calme en termes d'interventions. Seule l'équipe du poste médical dédié aux spectateurs a eu à intervenir. Une pose d'un pansement sur le pied d'un enfant qui souffrait d'une ampoule, et une prise en charge d'une jeune femme qui a chuté et s'est râpé le coude. La blessure saigne très peu, le bilan est rapide, le soin tout autant. « De la bobologie », sourit Catherine.

Positionnés à ses côtés, Dama et Cédric échangent sur leurs pratiques de secouristes, qui à la Croix-Rouge qui à l'Unass. « Il y a des p'tites différences dans nos façons de faire, dans nos identités… Mais c'est super de pouvoir échanger. Et puis, on est tous secouristes, on a tous le même référentiel. On le sent sur des journées comme celle-là. Ces journées fortes sur lesquelles il est important d'être présents », souligne Cédric. Un peu plus tard, tout sourire au sortir de la journée, Camille opine. « Etre présents aujourd'hui sur une journée de préparation aux Jeux, et demain sur les Jeux, ce n'est pas rien quand même ! Je crois vraiment que cela peut tous nous faire grandir, à tous points de vue. Ça apprend, ça soude. C'est riche ! ».

Auteur : Elma Haro / Photos : Marie Magnin

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