Début mars, quatre semaines après le séisme qui a ravagé le sud de la Turquie et le nord de la Syrie, Nathalie Smirnov s’est rendue sur plusieurs des zones sinistrées. Il s’agissait de son premier déplacement à l’international en tant que directrice générale. C’était aussi la première fois qu’elle se rendait sur une catastrophe d’une telle ampleur. Un spectacle inimaginable qui l’a profondément marquée, tout comme l’efficacité du Croissant-Rouge turc et la solidarité de notre Mouvement international sur le terrain.

Qu’avez-vous ressenti en parcourant les zones sinistrées ?

Sur la route reliant la ville de Gaziantep à l’ancienne ville touristique de Hatay, près de la frontière syrienne, ce sont des kilomètres de ruines qui défilent, des bâtiments déchiquetés, des destructions.Les villes ont été vidées de leurs habitants, on ne croise que des pelleteuses et des camions chargés de gravats. Les quelques bâtiments encore debout semblent chancelants et devront vraisemblablement être détruits. Il ne reste rien, c’est bouleversant. Les chiffres ont beau être là -  9 millions de personnes affectées dans les 11 provinces touchées par le séisme, 3 millions de personnes ayant perdu des proches, leur maison, leur travail, leur vie, 123 000 immeubles détruits - on ne peut imaginer un tel désastre sans l’avoir vu de ses propres yeux.

Comment s’organise l’aide sur place entre le Croissant-Rouge turc et la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) ?

Par chance, la FICR est très présente en Turquie depuis des années et a pu déployer immédiatement ses équipes sur les différents sites affectés. Elle est un soutien essentiel à un Croissant-Rouge turc (Kazilay) solide et organisé. Grâce à son centre opérationnel basé à Ankara, il recueille quasiment en temps réel les besoins dans les provinces touchées et y répond de manière efficace. La première urgence a été de fournir un abri aux personnes sinistrées et leur permettre de se nourrir. Le Kazilay distribue trois millions de repas par jour. Il a par ailleurs multiplié par 10 sa production de tentes en mobilisant son centre de fabrication situé à Ankara. Aujourd’hui, son objectif est de passer d’une assistance à 100 % à une logique de reconstruction, grâce à des aides financières. Là encore, les moyens existent. Depuis 2012, la FICR et le Croissant-Rouge turc ont mis en place un vaste programme de distribution de cash (Emergency social safety net) en faveur des populations migrantes. Tous les moyens sont donc là pour distribuer massivement et rapidement de l’argent aux sinistrés et les aider ainsi à reprendre leur vie en main.

Quel rôle avons-nous joué dans la réponse à cette catastrophe ?

Nous nous sommes mobilisés immédiatement en lançant un appel à dons et, une fois de plus, la générosité des Français et des entreprises partenaires a été au rendez-vous. Grâce à ces dons, nous avons envoyé 500 tonnes de matériel, dont plus de 50 000 kits d’urgence (hygiène, cuisine, isolation). Lors de nos échanges, le Croissant-Rouge turc nous a vivement remerciés pour notre aide et nous a demandé de nouveaux kits d’hygiène dont l’utilité est cruciale pour les sinistrés.

Ce sont 40 000 kits supplémentaires qui sont en cours d’acheminement. Nous continuons par ailleurs de soutenir les actions du Kazilay via des aides financières ciblées, en fonction des besoins.

N’oublions pas la Syrie qui elle aussi a été durement frappée par le séisme et où la situation est plus compliquée. Nous soutenons le Croissant-Rouge arabe syrien et le Comité international de la Croix-Rouge qui est présent sur place depuis des années. Nous leur apportons une aide financière et matérielle. Nous avons envoyé très vite une première aide d’urgence - 90 tonnes de lait, des kits cuisine et hygiène, des colis alimentaires, des produits de traitement de l’eau - et nous sommes en discussion pour proposer des actions complémentaires, notamment en matière de santé et santé mentale. Des kits, contenant des médicaments et permettant de couvrir les besoins de 10 000 personnes sur 3 mois sont en route pour la Syrie. Des évaluations plus précises des besoins sur place vont être menées, par ailleurs (par notre chef de délégation au Liban qui se rend sur place) et nous sommes en contact avec d’autres sociétés nationales pour voir comment renforcer notre soutien aux sinistrés.

Cette visite en Turquie vous a aussi permis de rencontrer les acteurs d’autres Croix-Rouge et Croissant-Rouge. Ces échanges vous ont-ils été utiles ?

Cette mission à laquelle je participais aux côtés d’Emmanuelle Pons, notre directrice des opérations internationales de la Croix-Rouge française, ainsi que de nos homologues britanniques et néerlandais, nous a permis en effet d’échanger avec les représentants de la FICR (sa vice-présidente, la directrice de la zone Europe et la directrice des opérations catastrophes, climat et crises) et des équipes opérationnelles qui interviennent sur le terrain. Ce type de rencontre montre l’importance de la solidarité au sein de notre Mouvement international et nourrit notre sentiment d’appartenance.

Il est important de partager nos expertises et nos réponses immédiates sur des crises majeures, comme nous l’avons fait et le faisons encore en réponse à la crise en Ukraine. Nous le savons, cette culture de l’urgence est indispensable pour mieux nous préparer aux crises. Elle existe dans nos territoires d’Outre-mer, des zones très exposées elles aussi aux catastrophes climatiques et naturelles, grâce à nos plateformes d’intervention régionales, la PIRAC et la PIROI. Il nous faut absolument la renforcer pour être en mesure de répondre aux crises à venir, qu’elles surgissent en France métropolitaine ou au bout du monde.

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