A l’épicerie solidaire du Pecq : « les familles s’appauvrissent et restent plus longtemps »
Publié le 12 décembre 2023
Mobilisons-nous ensemble !
Depuis son ouverture en décembre 2018, l’épicerie solidaire ne désemplit pas. Au contraire, le nombre de personnes aidées ne cesse d’augmenter. Un record d’affluence a même été atteint en début d’année avec 95 familles aidées, soit 200 personnes environ accueillies chaque semaine. “D’ici la fin de l’année, on devrait atteindre près de 7 000 bénéficiaires, contre 5 700 en 2022”, prévoit Philippe Clous, le responsable des lieux. Cela représente une hausse de 20 % environ. Des chiffres conformes à une réalité nationale. Depuis deux ans en particulier, les temps sont durs. L’impact de l’inflation, de la hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation est très net.
Philippe et son équipe s’en rendent bien compte : “On voit revenir des personnes qui ne venaient plus depuis deux ans et qui sont de nouveau en difficulté”, explique le responsable. Et puis, autre signal inquiétant, les personnes restent plus longtemps inscrites. Plusieurs mois, voire plus d’un an. “Le reste à vivre a considérablement baissé. Une fois les charges fixes payées, il ne reste plus grand chose à la fin du mois”, constate-t-il. Aujourd’hui, ce sont près de 40 % des familles accueillies qui se retrouvent dans cette situation. Elles n’étaient que 30 % au premier semestre. L’écart se creuse de façon significative.
Alors, le “Quai solidaire” est là. Un soutien parfois vital. Ici, point d’étudiants. Il faut dire que le territoire ne compte que quelques écoles plutôt prestigieuses. La grande majorité des personnes - plus de 80 % - sont orientées par les travailleurs sociaux du département, les autres par la mission locale ou d’autres associations.
“Pas question de renoncer à la quantité ni à la qualité”
Philippe Clous, qui assure la gestion de l’épicerie et passe les commandes aux fournisseurs, se rend bien compte de la hausse des prix des denrées. “Le fromage et le beurre, en particulier, ont pris 20 % en 2022 et sont devenus encore plus chers. Le lait également.” Alors il a fallu augmenter certains prix, de dix à 50 centimes. Les fruits sont passés de 2,50 € le kg à 3€, les légumes de 2€ le kg à 2,50€, le litre de lait de 90 centimes à 1€. Des augmentations limitées car il n’est pas question pour lui de renoncer à la qualité ni à la quantité de produits par personne. Sa solution ? Il a tout simplement revu les budgets alloués à chaque personne à la hausse pour pouvoir continuer à répondre aux besoins. En parallèle, il a fallu multiplier les sources d’approvisionnement et acheter davantage.
Car c’est un autre effet de la crise qui touche l’aide alimentaire, la Banque alimentaire Paris Ile-de-France a considérablement réduit ses quantités : “de près de 12 000 tonnes en 2022, on est passés à 6 tonnes cette année”, explique Philippe Clous. “De même, les ramasses en grandes surfaces ont quasiment disparu. Les enseignes ont désormais la possibilité de vendre en ligne ou à prix réduit les produits proches de la date de péremption, alors qu’avant on nous les donnait”. Il en va aussi de la qualité des denrées à laquelle toute l’équipe est attachée.
L’épicerie a donc trouvé d’autres solutions en nouant des partenariats avec un maraîcher local qui lui accorde une remise de 20 % sur les légumes, avec un producteur de l’Eure qui lui fournit des œufs, avec un primeur qui l’approvisionne en fruits et enfin avec « VIF », entreprise de Croix-Rouge insertion. Des solutions qui ont un coût, l’épicerie a consacré cette année 65 000 euros aux achats de denrées alimentaires, contre 42 000€ environ en 2022. Par chance, les deux vestiboutiques Croix-Rouge locales reversent le fruit de leurs ventes à l’épicerie. “Le vestimentaire contribue à financer l’alimentaire”, résume le responsable.
L’épicerie ne fait pas tout, c’est un complément pour aider les personnes à boucler leurs fins de mois, mais pas seulement. Remplir son panier permet de garder des forces pour le reste. De rester debout.