Dinan : bienvenue à notre épicerie sociale à taille humaine et chaleureuse !
Publié le 23 décembre 2024
L’heure est au ravitaillement devant notre épicerie sociale de Dinan ce vendredi de décembre. Un camion frigo de la Croix-Rouge est prêt au départ. Michel et Jean-Yves sont pressés. Quelques denrées manquent au ramassage. Direction le supermarché pour des provisions complémentaires avant l’ouverture. À l’intérieur, six bénévoles s’affairent à la mise en rayon. Philippe et Romain veillent à ne pas couper la chaîne du froid des produits frais et surgelés. Jeannine et Océane portionnent le gros arrivage de cuisses de poulets, mains et plans de travail désinfectés au préalable. Aux commandes de l’établissement : un duo de sexagénaires de choc. « C’est une épicerie à coût moindre. Vous faites vos courses comme tout le monde », explique Françoise Poirier, référente de l’établissement depuis cinq ans.
Nos usagers dépensent 10% de la valeur réelle des produits dans la limite de 6€ par personne. Cela représente 14 kg de courses par semaine. Au bureau, Catherine Brelaud, son acolyte depuis quatre ans, vérifie les plannings : « Pas de premiers arrivés, premiers servis ici ! Les familles ont rendez-vous toutes les 10 minutes. Il faut qu’elles se sentent bien et qu’elles soient heureuses de venir ». Une vingtaine sont attendues aujourd’hui.
« Un coup de pouce pour se remettre à flots »
Monsieur Henry est pile à l’heure. Le quinquagénaire vient une fois par semaine depuis trois mois. De son passé de saisonnier en montagne, il a gardé les cheveux longs sous la casquette et les lunettes de soleil. Aiguillés par les travailleurs sociaux, les usagers de notre épicerie font face à des difficultés temporaires : une grosse facture, un changement de situation familiale ou des prestations sociales qui tardent à venir.
De nouveaux profils apparaissent : retraités, travailleurs et personnes avec des problèmes psychiques. Souvent seuls, ils demandent une attention particulière. Suite à d’anciennes addictions, Monsieur Henry est devenu bipolaire : « J’ai des problèmes d’argent à cause de mon handicap. L’épicerie m’aide beaucoup. On trouve de bons produits et de bonnes marques ». Le Breton est accompagné par Dominique, son tablier orange à peine enfilé, pour le choix des produits. Au rayon frais, la viande et la charcuterie sont données par la banque alimentaire et le poisson est acheté auprès d’une entreprise de pêche à Saint-Malo. Malgré son coût élevé, l’épicerie tient à proposer des produits qualitatifs et équilibrés : « On n’achète pas du bas de gamme. On se demande toujours si on en mangerait, sinon, on ne distribue pas par respect pour nos usagers », insiste Catherine.
Bernadette*, une maman solo licenciée à cause de la maladie, se fait plaisir au rayon gâteaux : « Nous sommes gourmandes à la maison. Je prends des madeleines et des moelleux au chocolat. Avant, c’était pain et confiture ». Ses dernières courses ? Fromage, paupiettes, carpaccio de bœuf, légumes et quelques produits d’hygiène. « Qu’est-ce qu’on mange bien depuis que tu vas à l’épicerie ! », lui ont fait remarquer ses deux filles.
Anne-Marie, une dynamique retraitée de 71 ans, y trouve son bonheur pour préparer sa ratatouille. Pour les non-initiés aux fruits et légumes, les bénévoles distribuent des fiches recettes. « On a de bons retours », précise Dominique.
Un lieu créateur de lien social
Au bureau, Françoise et Catherine encaissent les clients. « La fin du mois commence le 5 ! », plaisante Sabino qui règle par carte bancaire. « Venir ici m’a réconcilié avec l’être humain », chuchote le discret et souriant musicien chilien de 61 ans.
Ceux qui le désirent, restent boire un café comme Sarah, une maman de 28 ans venue avec ses trois enfants : « À chaque fois, je vois différentes personnes. On s’assoit cinq minutes et on échange quelques mots, c’est toujours sympa ». Suite à une opération, son mari est en arrêt maladie et a perdu la moitié de ses revenus : « C’est dur pour la fierté. J’étais très mal à l’aise la première fois ». L’accueil qu’elle a reçu a fait toute la différence : « On ne se sent pas jugé. On repart moins gêné ». Aujourd’hui, Sarah a acheté charcuterie, conserves, steaks hachés, fruits et des couches pour bébé. « Je pensais que Noël allait tomber à l’eau cette année, mais grâce aux économies faites ici, j’ai pu envoyer l’argent au père Noël pour qu’il fabrique les cadeaux », se réjouit-elle, un petit clin d’œil en direction de ses enfants mangeant des Petits Beurres à disposition sur la table. Dans sa doudoune, Mélissa lève ses grands yeux bleus vers sa maman : « Comme ça, il pourra passer chez nous ! ».
Pour les fêtes de fin d’année, des paniers festifs seront distribués à 80 familles et une distribution de jouets sera organisée par l’une des onze antennes de la Croix-Rouge des Côtes-d’Armor. De son côté, Monsieur Henry a fait la connaissance de Sabino animera en musique l’atelier confiseries dans quelques jours : « Je vais l’accompagner. C’est la première fois. S’il y a d’autres événements, j’irai ! », promet-il, sourire aux lèvres.
Reprendre confiance en soi grâce à une équipe soudée
L’accompagnement et le suivi des bénévoles permet aux usagers de l’épicerie de retrouver une estime de soi. Anne-Marie, 67 ans, volontaire à l’épicerie depuis deux ans, le constate : « Leur évolution est en règle générale positive. On leur donne un coup de pouce pour les aider à se remettre à flots ». Le lieu est devenu l’exutoire de Bernadette : « Quand je suis là, j’oublie tout. C’est mon moment à moi ». Curieuse et sociable, la dynamique sexagénaire peut passer l’après-midi sur place à papoter avec tout le monde. « Quand tu ne travailles plus, tu n’as plus de vie sociale. Ici, les filles sont positives, à l’écoute et bienveillantes, ça fait du bien. Il y a de la considération », poursuit la Bretonne, « La maladie, un décès, un divorce... Ça peut arriver à tout le monde. Venir à l’épicerie, ça redonne une dynamique et de l’espoir pour rebondir ». « J’accorde toute ma confiance à Catherine et Françoise qui ont tenu le cap et qui obtiennent des résultats », souligne Xavier Leroux, responsable de l’antenne dinannaise de la Croix-Rouge, venu partager sa pause déjeuner à l’épicerie, « Avec les chauffeurs, ils sont une trentaine de bénévoles à faire tourner ce dispositif. Il faut les bichonner. Sans eux, je ferme tout ». De l’énergie, il en faut pour relever les défis à venir comme le développement de nouveaux partenariats avec les collégiens et scouts bretons. « On manque de jeunes ! », alerte Françoise. Autres challenges : la mise en place d’un garage et d’un bus solidaire, indispensables dans ce secteur rural, peu desservi par les transports en commun.
*Prénom modifié par souci d’anonymat.