L’espace bébé-parents : le trésor caché de Guyancourt
Publié le 17 décembre 2024
"Quand j’entre ici, c’est le soulagement, ça me déstresse, ça me change les idées."
Une aide matérielle dans une atmosphère conviviale
Il ne faut pas se fier aux apparences. Le discret espace bébé-parents, attenant à une école élémentaire de Guyancourt, dans les Yvelines, cache un trésor d’humanité. En ce matin brumeux de décembre, Bernadette, 39 ans, pousse la porte verte à dix heures précises, son fils Pierre-Andrew trottinant joyeusement à ses côtés. À peine entré, l’enfant de deux ans s’élance en criant : « Codile, codile ! » vers Patricia, une bénévole qui l’attend accroupie, avec un grand sourire, les bras ouverts. Patricia entonne avec lui la chanson : “Ah les croco, ah les croco, ah les croco-di-les, sur les bords du Nil ils sont partis n’en parlons plus, ah les croco, ah les croco…”
Dans cet espace lumineux, Patricia et trois autres bénévoles retraitées s’activent pour offrir aux mamans un cocon bienveillant. Patricia, qui s’est engagée après la retraite, explique : « Je craignais de m’ennuyer, de ne plus avoir d’objectif après une carrière pleine. Ici, j’ai trouvé ma place. » Tandis que Pierre-Andrew joue avec elle dans le coin bibliothèque, sa mère, Bernadette, fait la queue pour acheter un paquet de couches à 1,50 € et une boîte de lait à 2 €. « Les mamans achètent à prix réduit, mais elles achètent, et ça, c’est important », souligne Brigitte, une autre bénévole. « En supermarché, elles devraient payer quatre ou cinq fois plus et elles n’ont pas les moyens. On leur donne aussi du linge pour les enfants quand on en a. »
L’espace bébé-parents un lieu d’échange entre les mamans
L’espace bébé-parents est aussi un point de rencontre chaleureux où les mamans, souvent isolées, échangent autour d’une table ronde, surveillant du coin de l’œil les enfants. Bernadette vit dans un centre d’hébergement pour mères seules qui l’a orientée vers ce dispositif de la Croix-Rouge française. Elle nous confie : « Quand j’entre ici, c’est le soulagement, ça me déstresse, ça me change les idées. Pendant deux heures, deux matinées par semaine, on peut ne plus s’occuper de nos enfants, on se repose la tête ici. Je vis, au jour le jour, seule avec mon fils, avec pour seul objectif de nourrir Andrew, c’est épuisant. »
« Les écrans sont bannis ici. »
Sous les yeux de leurs mères, Pierre-Andrew et Habouss plongent leurs mains dans une grande bassine remplie de grains de riz. « C’est notre bac à sable » dit en souriant Annie, la responsable de l’EBP. « Ils en mettent un peu partout mais au moins ils peuvent développer leur motricité fine et ça leur procure des sensations agréables. Ici, tout est permis mais on fixe des limites. Par exemple, les écrans sont bannis, les téléphones compris. C’est un lieu d’échanges avant d’être un lieu de distribution. C’est un cocon pour les adultes et les petits. »
« Si vous m’aviez vue quand je suis arrivée la première fois il y a deux ans, j’étais triste, sans savoir comment protéger mon enfant. On m’a rassurée : calmez-vous et on m’a donné cette première boîte de lait. Je m’en souviendrai toute ma vie », se rappelle Bernadette.
Assise à côté d’elle, Fall Mama, 22 ans pose la cuillère avec laquelle elle vient de touiller son café chaud : « Surtout, ici on a un cadre. Moi j’ai 22 ans, je suis seule en France, sans famille, j’ai perdu un premier enfant à 38 semaines l’année dernière. En Afrique, je serais très entourée mais ici… Je ne sais pas m’y prendre pour m’occuper d’Awa Saliou, il a 22 mois. Je suis en situation irrégulière, c’est compliqué d’avoir une place en crèche ou même un rendez-vous en PMI. »
« Ce sont des grands-mères, elles savent tout ! »
Bernadette acquiesce : « Vous savez en Afrique, on force les enfants à s’asseoir à 4 mois et on les fait marcher avant un an. Ici, on nous dit qu’il faut respecter le rythme naturel de nos enfants et on nous donne plein de conseils. Les croûtes de lait par exemple, j’étais paniquée quand j’ai vu ça sur la tête de mon fils. Le lendemain, Annie m’a rassurée. C’est toutes des grands-mères, elles savent tout ! »
Il est midi, le temps a filé à toute vitesse, l’espace bébé-parents va bientôt fermer. Les cinq mamans donnent un coup de main pour ranger. Le lieu, alloué par la mairie de Guyancourt, ne peut accueillir que dix-neuf personnes, enfants et adultes compris. Les deux permanences hebdomadaires affichent complet. « Ce qui nous crève le cœur », confie Annie, « c’est qu’on doit parfois refuser des mamans qui ne remplissent pas les critères ou parfois aussi faute de place.»