26 familles sont accueillies à temps plein au centre parental de Talant, en Bourgogne Franche-Comté ; des mères ou des pères seuls ayant un enfant de moins de 4 ans et aux parcours emprunts de difficultés. C’est l’un de nos 5 établissements de ce type qui relève de la protection de l’enfance. Sandrine Roy, sa directrice, nous ouvre les portes de ce lieu-refuge, où l’on prend le temps de créer du lien entre parent et enfant.

Un centre parental, c’est quoi au juste ?

Sa mission consiste à accompagner dans la durée des familles monoparentales ou de très jeunes couples avec des enfants en bas âge. Ils sont logés sur place en studio ou en appartement. Les enfants sont pris en charge à la crèche de l’établissement, et ce durant 2 ans en moyenne (4 ans maximum). Cette prise en charge longue est importante car cela permet d’effectuer un accompagnement individualisé et un travail de fond avec une équipe pluridisciplinaire. Depuis 2020, nous avons obtenu un agrément pour faire évoluer le centre maternel en centre parental, ce qui nous a autorisé à accueillir des hommes et des couples. Nous avons également créé un service parentalité qui a pour mission de travailler au plus près des familles au sein de leur logement, dans leur quotidien. Nous accompagnons ainsi 26 familles, soit près de 60 personnes, 24 heures sur 24. 

Qui sont les personnes que vous accueillez ici ? 

La moyenne d’âge est de 16-25 ans. Nous accueillons majoritairement des femmes, dont beaucoup sont mineures. La plus jeune maman est arrivée ici à 14 ans avec un enfant d’un an. Je dirais que tous les maux de la société sont là ! Ce sont des personnes dans ou issues du parcours d’Aide sociale à l’enfance, des personnes souffrant de troubles psychologiques, de déficiences ou en situation d’addiction, des sortants de prison ou avec bracelet, des femmes victimes de violences, des personnes migrantes… Bref, des personnes avec de fortes vulnérabilités, orientées ici par le département principalement, par des travailleurs sociaux, des associations ou le centre d’hébergement d’urgence qui nous alerte. Il arrive aussi que les personnes soient dirigées vers nous du fait de leur situation judiciaire. Parfois, parent et enfant se retrouvent tous deux placés chez nous ! 

L’accompagnement à la parentalité, c’est quoi au juste ? 

C’est - surtout lorsqu’il s’agit de mineurs - leur apprendre à être parent ; tout faire pour créer le lien entre parent et enfant et d’éviter la séparation. On leur explique tout. Qu’il faut parler à l’enfant, même s’il ne comprend rien, comme nous disent certaines mamans. Que l’enfant est une véritable éponge des émotions des parents, qu’il doit comprendre pourquoi sa maman ou son papa est triste. L’importance du regard et des mots. On pousse toujours à la verbalisation. 

Les familles se construisent par rapport à leur parcours. A nous de les aider en leur montrant les failles de leur histoire, mais aussi leurs forces. La parentalité se joue sur tous ces points d’observation et sur une évaluation permanente. Le centre parental est un outil social hyper intéressant. On fait grandir un bébé et son parent en même temps grâce à un accompagnement global et très individualisé. On s’adapte à chacun de leurs besoins et surtout, on prend le temps. 

Comment s’organise la vie dans le centre parental ?

On est sur tous les métiers du social ! Nous avons une équipe de 30 salariés qui travaillent en complémentarité, dans une dynamique pluridisciplinaire. Chaque famille a un référent qui la suit et évalue tous les 6 mois l’atteinte ou pas des objectifs fixés ensemble. L’équipe éducative s’occupe du parent, de son insertion professionnelle, de ses démarches administratives, de sa santé, etc. Les éducatrices de jeunes enfants (EJE) assurent quant à elles le suivi de l’enfant et son développement. Notre crèche fonctionne en mode classique pour les parents scolarisés, en formation ou travaillant. Elle fonctionne aussi en mode relais, autrement dit si on sent qu’un enfant a des difficultés, on observe et on creuse pour comprendre d’où vient le problème. Pourquoi il ne prend pas de poids, pourquoi il est anxieux, nerveux, se sent en insécurité, etc. Les EJE accompagnent les familles sur le développement de l’enfant, ses attitudes, son corps via le jeu, les vêtements, lors des sorties… Là encore, un rapport est rédigé régulièrement pour voir son évolution. 

Parallèlement, l’auxiliaire de puériculture aide la mère ou le père dans les gestes du quotidien : les soins de nursing du bébé, le bain, le couchage, le massage, l’alimentation… Une maîtresse de maison leur apprend à entretenir leur logement, les sensibilise à l’hygiène. Et puis, une conseillère en économie sociale et familiale les accompagne dans la gestion de leur budget. 

Vous faites également appel à des intervenants extérieurs ?

Oui, selon les besoins des familles. Nous les accompagnons dans le soin grâce à un pédiatre salarié qui intervient une demi-journée par semaine et une psychologue qui vient un jour et demi par semaine. Nous faisons aussi appel à des partenaires extérieurs comme des ostéopathes et des kinésithérapeutes. On travaille également avec une Unité Père-Mère-Bébé de l’hôpital psychiatrique de Dijon. Et puis, les familles ont la possibilité de pratiquer de la boxe sociale grâce à un club de boxe dijonnais qui intervient au centre et travaille sur la gestion des émotions. Bref, tout est mis en œuvre pour les amener à se reconstruire, à gagner en autonomie et pour les préparer doucement à la sortie. 

Quand et comment s’effectue la sortie justement ?

Il n’y a pas de sortie sèche, on accompagne les familles avant et même après la sortie. L’apprentissage de l’autonomie se fait par étapes. Beaucoup de mamans sont mineures, donc on a tendance à les prendre par la main, à les materner. A nous de veiller à ne pas être trop dans l’assistanat et les laisser prendre leur vie en main. Lorsqu’elles sont prêtes, elles ont la possibilité de s’installer dans un logement autonome, à l’extérieur du centre, où l’on se rend chaque semaine pour voir comment la famille évolue dans son logement, comment elle gère sa relation à l’enfant. Cela pendant 6 mois avant la sortie totale du dispositif. Le taux de sortie est très positif mais il arrive que nous soyons dans l’obligation de demander au juge des enfants une séparation du parent et de l’enfant afin de protéger ce dernier. Si l’on échoue, on réoriente alors les parents vers d’autres associations ou le centre d’hébergement et de réinsertion sociale. 

On sème des petites graines dans leur esprit, en espérant qu’elles germent un jour et que notre participation dans leur vie leur apportent quelque chose, même si ce n’est pas tout de suite. Quoiqu’il en soit, le lien parent-enfant existe et sera toujours là. 

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