Depuis cinq ans, Christophe fait ses courses au local de la Croix-Rouge. Une façon pour lui de cuisiner des produits frais mais aussi de sortir de sa solitude.

Un sourire du coin des lèvres, ses sacs sous le bras, il s’excuse de sa démarche. “J’ai un peu mal à la jambe, précise Christophe, 71 ans. Et ça me donne une façon de marcher pas toujours très droite.” Deux fois par mois, il se rend à la distribution de la Croix-Rouge. Il y achète de quoi cuisiner depuis cinq ans.

“J’ai une petite retraite de 900 euros par mois et une fois les factures payées, il ne me reste plus grand-chose. Alors je dois faire attention à tout, c'est obligé.” La nourriture, le chauffage, l’eau, Christophe rogne sur tout ce qu’il peut. “Pour moi, ça va aller, tient-il à ajouter. Je sais me priver.” Les yeux dans ses souvenirs, Christophe se remémore les périodes de sa vie “où c’était vraiment très dur.” La violence de son père puis la privation de nourriture subie quand il était en famille d’accueil. “On volait dans les champs parce que nous n’avions pas à manger. C’était comme ça à l’époque. Aujourd'hui, ça va. Je suis seul, je me débrouille et je rends service quand je peux.” Autour de lui, les bénéficiaires de la Croix-Rouge partagent un sourire, une cigarette ou une histoire. Sous un ciel d’automne, le ballet des voitures et des caddies s’organise. Beaucoup se connaissent et sont heureux de se retrouver. Christophe, lui, ne veut pas déranger. Il reste en retrait et attend que ça soit à lui d’aller récupérer ses courses.

Dans ses sacs, des boîtes de conserve, du riz, des légumes mais aussi des bouteilles d’eau. “Certains mois, je peux pas payer l’eau, souligne ce retraité. Je récupère l’eau du canal pas loin de chez moi pour les WC par exemple. Ça fait des économies.” Une fois, des gendarmes sont venus le voir alors qu’il récupérait l’eau du canal. “Ils étaient très sympathiques et ont compris pourquoi je faisais ça. Personne ne s’amuse à remplir des bidons de 5 litres d’eau pour passer le temps. Ils m’ont juste dit qu'il ne fallait vraiment pas que je boive cette eau parce que sinon j’allais être malade. C’est tout.”

A la Croix-Rouge, ce jour-là, des packs de bières sans alcool sont aussi ajoutés aux paniers d’aide alimentaire. “Je bois pas d’alcool, continue Christophe, du coup c’est très bien. Je vais pouvoir les garder pour Noël.”

Ses sacs remplis, il s’empare de son caddie qu’il installe sur la banquette arrière de sa voiture. "Elle est bien vieille mais elle tourne, s’amuse-t-il, c’est le principal.” Au moment de partir, Christophe propose à une autre bénéficiaire de monter avec lui, plutôt que de rentrer à pied. “On habite pas loin, ajoute Fabienne, 50 ans. Et comme j’ai beaucoup de problèmes de santé, je vais pas dire non.” Le temps de charger ses courses dans la voiture et les voilà partis. “C’est agréable de rendre service, reconnaît Christophe. On se sent utile.”

Le texte est de Elie Hondet & la photo de Pascal Bachelet.

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