Portrait Monsieur Henry : briser l’isolement grâce à l’épicerie sociale
Publié le 12 décembre 2024
Monsieur Henry, ses sacs de courses sous le bras, est pile à l’heure. Le quinquagénaire vient une fois par semaine depuis trois mois : l'épicerie propose des produits de première nécessité : produits alimentaires, produits frais, d'entretien et d'hygiène à coûts très réduits. De son passé de saisonnier en montagne, Monsieur Henri a gardé la panoplie du snowboardeur : cheveux longs poivre et sel sous la casquette et yeux clairs derrière les lunettes de soleil. « J’ai bossé à Tignes à 3000 mètres. Chaque matin, je partais en télésiège, et le soir, je descendais avec mon board. C’est comme ça que j’ai appris à faire du snow », explique-t-il d’une voix douce. Monsieur Henry est un enfant du quartier : « J’habitais juste derrière, en face de la piscine. Il y a longtemps que je ne suis pas revenu par ici. Ma maman, qui a 72 ans, est toujours là ». À 53 ans, il a déjà eu mille vies !
À 16 ans, il est désosseur dans un abattoir à Dinan puis devient vendeur pour un label de musique punk à Rennes. Il tombe dans l’alcoolisme et la toxicomanie. Pour se soigner, il part travailler en restauration dans les stations de ski pendant 13 ans. Abstinent depuis 20 ans, il vit désormais seul dans une maison HLM à Plouër-sur-Rance, à 15 minutes en voiture : « Je voudrais bien travailler, mais je suis devenu bipolaire à cause de mes addictions. C’est une sacrée maladie. Une assistante sociale m’a parlé de l’épicerie parce que j’avais des problèmes d’argent dus à mon handicap ».
Comme chaque semaine, Monsieur Henry a acheté des légumes, des yaourts et des conserves : « Ça m’aide beaucoup. On trouve de bons produits ici et de bonnes marques. Je regarde aussi les fiches recettes que l’épicerie nous met à disposition parce que j’aime cuisiner ». Alors qu’il vapote devant l’entrée, Jeannine, une bénévole, vient lui déposer un pot de basilic : « Super, en plus il m’en fallait pour mes tomates ! ». L’épicerie est aussi l’occasion pour le Breton de voir du monde : « Je suis vachement solitaire maintenant. J’ai perdu tous les copains que j’avais avant. Je n’ai que mon voisin comme ami ». Il y a 3 ans, l’ancien Dinannais a adopté Looping, un épagneul breton de 14 ans, toujours en pleine forme : « Heureusement qu’il est là parce que je me sens parfois exclu de la société. Ici, les gens sont super cools. Ça me fait du bien de parler un peu ». La première fois qu’il est venu à l’épicerie, Monsieur Henry avait quelques appréhensions : « Je n’avais jamais rien demandé à personne », confie-t-il. Désormais, il apprécie de rester un moment pour boire un café, plaisanter avec les bénévoles et discuter avec d’autres habitués. Cet après-midi, il a fait la connaissance de Sabino, un musicien qui va animer l’atelier confection de gâteaux de Noël dans quelques jours : « on va aller au goûter et faire des animations avec les enfants. C’est la première fois que je fais ça », s’exclame M. Henry, un grand sourire aux lèvres, « et s’il y a d’autres événements, j’irai ! », promet-il.
