Ici, on prend le temps d’apprendre à devenir parent
Publié le 21 novembre 2024
A deux pas de la gare, à l’abri d’un parc arboré, se niche le Pôle enfance-parentalité Croix-Rouge du Val-d’Oise - ou PEPA 95 pour les intimes. Le lieu regroupe une crèche, une maison accueillant des enfants placés par l’Aide sociale à l’enfance, un centre parental et un relais parental. Dans ce véritable cocon se côtoient chaque jour enfants, adolescents, parents et professionnels aux petits soins - éducateurs spécialisés, éducateurs de jeunes enfants, auxiliaires de puériculture, pédiatre, psychologues, veilleurs de nuit… Du relais au centre parental, immersion dans le quotidien de notre Pôle, où le lien parent-enfant est roi.
Le relais parental : permettre aux parents de souffler un peu
Mercredi 23 octobre, 9h30. Sous un frais soleil d’automne, des cris d’excitation résonnent depuis la grande terrasse du Relais Joly. Accompagnés de leurs éducatrices, Lila, Malia et Paul* s’amusent à glisser du toboggan et à sauter sur le mini-trampoline de l’aire de jeux, tandis que certains de leurs petits camarades sont de sortie - vacances scolaires obligent.
Ouverte toute l’année 24 heures sur 24, la structure permet à des parents en difficulté de confier leurs enfants aux équipes de la Croix-Rouge - pour quelques heures ou quelques jours, selon leurs besoins. “Ici, on accueille une douzaine d’enfants de 0 à 10 ans”, explique Laura, éducatrice de jeunes enfants qui travaille dans l’établissement depuis 3 ans. “Les parents - à 80 % des mamans solo - qui nous sollicitent n’ont aucun soutien de leurs proches. Grâce au relais, ils peuvent souffler un peu et se libérer du temps pour chercher un logement, du travail, se reposer, suivre un traitement médical ou encore planifier un séjour à l’hôpital.” Ce temps de répit précieux pour les parents bénéficie tout autant aux enfants qui trouvent au relais un cadre rassurant et épanouissant.
A l’intérieur, les espaces apaisants, ceinturés de baies vitrées, font penser à une petite maison : une cuisine, une salle de bain et plusieurs chambres côtoient la vaste salle de jeux où tapis de sol, coussins colorés, tables à dessin et modules en bois font le bonheur des tout-petits. “On essaye d’apporter aux enfants le plus de stabilité possible, poursuit Laura, pour qu’ils se sentent bien, en confiance car ce sont souvent des enfants en manque de repères. C’est un objectif que l’on travaille toujours main dans la main avec les parents parce que si les parents nous font confiance, les enfants aussi”. Dans ce cadre, les équipes ont à cœur de faciliter les rencontres entre parents et de rompre un isolement social délétère. Régulièrement, elles organisent des goûters, des ateliers ou encore des activités de jardinage pour permettre aux familles d’échanger et de partager leur expérience.
“Notre priorité, c’est le maintien du lien”, complète Ruzica Uskokovic, directrice adjointe du relais parental et du centre parental. “L’isolement parental peut conduire à un épuisement qui augmente les risques de maltraitance, c’est pourquoi maintenir et faire grandir ce lien est primordial, cela permet d’éviter une séparation, un placement ultérieur.”
Le centre parental : apprendre à trouver en douceur sa place de parent
Si le relais offre une aide ponctuelle, le centre parental des Gigognes, lui, propose un accompagnement sur le long terme. Ici, on prend le temps d’apprendre à devenir parent. Autrefois uniquement réservé aux mamans, le centre accueille désormais des couples mais aussi des familles avec fratries (jusqu’aux 3 ans du plus jeune ou aux 6 ans de l’aîné). Au total, 27 familles habitent les lieux - essentiellement des jeunes femmes immigrées isolées, sans ressources -, orientées par les services sociaux ou par d’autres associations. Toutes ont connu des parcours difficiles, voire traumatisants, avec des grossesses parfois non désirées.
Nos équipes accompagnent ces jeunes filles, souvent mineures, dans leur quotidien et les aident à construire un véritable projet de vie qui leur permette, à terme, d’être autonomes. Logement, accompagnement administratif et pédagogique, visites médicales mais aussi ateliers nutritionnels ou encore activités d’éveil pour développer la motricité fine des enfants… tout est fait pour répondre aux besoins, aux questions voire aux difficultés des mamans. Entourées d’une équipe soudée, ces jeunes femmes travaillent sur leur insertion sociale et professionnelle, l’objectif étant qu’à la sortie, elles puissent avoir un travail ou une formation, un appartement, et surtout qu’elles aient eu le temps de tisser un lien solide avec leur enfant.
En ce début d’après-midi, Lise-Sarah, 26 ans, une jeune femme d’origine congolaise, vient tout juste de prendre ses marques dans le petit appartement de deux chambres qu’elle partagera avec une autre maman. Avec beaucoup de douceur et de timidité, son bébé de 2 mois endormi dans ses bras, elle livre quelques bribes de son histoire :
“Je suis étudiante en lettres modernes à l’université, je suis passionnée par l’écriture, j’écris des livres de poésie. A la naissance de mon fils, j’ai dû interrompre mes études mais j’espère pouvoir vite reprendre mon cursus. A l’époque, je vivais en résidence étudiante et je ne pouvais pas y rester avec mon bébé. C’est une assistante sociale qui m’a parlé du centre parental, j’ai beaucoup de chance d’avoir eu une place. Ici, on se sent en sécurité, on nous tient au courant de tout, les éducateurs sont à côté si besoin. Ma famille est au Congo, je suis toute seule en France et c’est mon premier enfant, j’avais vraiment besoin d’être soutenue et accompagnée. Au centre, on m’aide à devenir mère, à m’occuper de mon bébé, et grâce aux moments où l’équipe prend le relais et s’occupe de mon fils, je peux me reposer un peu et travailler sur mon projet - l’autoédition d’un recueil de poésie -, pour la sortie. Grâce à ça, j’espère pouvoir obtenir un titre de séjour artistique.”
Jamais loin, Sylvain, son éducateur, la couve du regard. Attentif à son récit, il revient sur la chance d’avoir sur place une équipe pluridisciplinaire : “C’est un vrai confort de pouvoir travailler à plusieurs, avec chacun nos spécialités. C’est très enrichissant et ça nous permet de mettre en place un accompagnement global et individualisé. Moi je suis éducateur spécialisé et au centre parental, je travaille avec un éducateur de jeunes enfants et une assistante sociale. Ici l’accompagnement que nous proposons est très engageant, à la fois pour les mamans et les professionnels. Dès l’arrivée de la maman ou du couple, on prépare la sortie, c’est le fil rouge de notre accompagnement. Les outiller pour être autonomes, pour se construire un avenir serein avec leur enfant.”
*Les prénoms ont été changés pour des raisons de confidentialité.