A l’heure où nous atteignons le triste record de 100 millions de personnes déplacées ou réfugiées dans le monde, nous souhaitons rappeler notre devoir d’humanité à l’occasion de la journée mondiale des réfugiés (20 juin). Exacerbée par la crise ukrainienne, la problématique migratoire n’est pas nouvelle. Elle est omniprésente et un enjeu majeur pour notre organisation. Notre mission est d’être aux côtés des exilés, tout au long de leur parcours, de veiller au respect de leurs droits, de leur dignité, de leur intégrité, de leur santé.

« Tout homme, toute femme, tout enfant ayant pris la route de l’exil pour fuir des violences, la guerre ou la misère devrait bénéficier de la même humanité, de la même protection », affirmait récemment le président de la Croix-Rouge française, Philippe Da Costa, lors de sa visite dans les Hauts-de-France, en mai dernier. Pour nous, Croix-Rouge française, l’inconditionnalité de l’accueil prime sur toute autre considération. “Quitter son pays est toujours un arrachement”, rappelle-il. Le parcours migratoire est une expérience éprouvante et douloureuse, quelle que soit la motivation de la personne. L’exil génère en effet la perte de repères, l’éloignement familial, des blessures psychologiques et psychiques, voire des traumatismes profonds.

Le Mouvement international, dont nous faisons partie, est le premier témoin de ces souffrances. Nous sommes en effet présents sur tout le parcours migratoire, du pays de départ, au pays de transit jusqu’au pays d’arrivée. Il est donc de notre responsabilité, en tant qu’acteurs humanitaires, d’accompagner les victimes de ces tragédies liées à l’exil. Nous sommes, grâce à notre emblème, un symbole de protection, un tiers de confiance pour toutes les populations migrantes que nous croisons sur les routes du monde. Nous devons donc honorer cet emblème en remettant de l’humanité là où elle est malmenée ou niée.

Une réponse humanitaire aux crises

Trois facteurs déterminent les contours de notre réponse lors d’une crise : la nécessité d’une réponse identique pour toutes les personnes victimes d’une même crise, les capacités opérationnelles à notre disposition (moyens humains et fonds disponibles) et l’articulation avec les initiatives des pouvoirs publics. C’est ce modèle qui a prévalu en réponse à la crise afghane, durant l’été 2021, mais aussi tout récemment dans la crise ukrainienne. Ce conflit a montré qu’avec une volonté politique et une solidarité fortes, nous avons une capacité d’accueil exceptionnelle. Cette mobilisation a permis également une simplification d’un certain nombre de procédures pour obtenir notamment un titre de séjour, accéder au marché du travail et au logement. Certains de ces aménagements pourraient être généralisés à tous les demandeurs d’asile sur notre territoire. Forts de ces constats, notre objectif est de tirer les leçons et de capitaliser sur cette dernière crise et les actions menées en faveur des personnes ayant quitté l’Ukraine pour amplifier nos actions envers toutes les personnes en situation de migration.

De l’urgence à la résilience

Dans un contexte d’aide humanitaire d’urgence, nous déployons des dispositifs itinérants, comme le dispositif mobile de soutien aux exilés dans les Hauts-de-France, mais aussi des dispositifs fixes tels que des accueils d’urgence en gares ou dans les aéroports et des accueils de jour. Nous proposons par ailleurs des activités d’accueil, d’écoute et d’orientation et nous gérons des structures de premier accueil, d’hébergement et d’accompagnement social. Notre expertise de l’urgence est réelle et reconnue, mais elle n’est pas tout. Après l’urgence vient le temps de l’accompagnement et de l’insertion socio-professionnelle que nous souhaitons renforcer. « Les demandeurs d’asile et les réfugiés affichent une volonté très forte de s’intégrer dans notre société. L’enjeu, pour nous, est de proposer des solutions concrètes qui favorisent leur inclusion. Nous avons également à cœur de prendre en compte les vulnérabilités spécifiques de certains publics et notamment des mineurs qui nécessitent une attention particulière », affirme Thierry Couvert-Leroy, délégué national de lutte contre les exclusions. Cela passe, par exemple, par la prise en compte de la santé mentale et un soutien psychologique, l’apprentissage de la langue française, la valorisation, l’acquisition et le développement de compétences psychosociales. Cet accompagnement global peut se faire grâce à nos bénévoles et nos salariés. Notre double statut d’opérateur des pouvoirs publics et d'association autonome facilite cette complémentarité dans nos actions. Le fait d’être un acteur généraliste également, c’est ce qui nous permet d’avoir une approche globale des vulnérabilités.

A ces activités traditionnelles s’ajoute un autre volet, essentiel, celui de la lutte contre les préjugés à l’égard des personnes migrantes. « Les situations de discrimination peuvent limiter la capacité d’insertion dans la société », déclare Florent Clouet, responsable du programme national migration. La réticence des populations des pays d’accueil appelle à un effort particulier d’éducation et de sensibilisation. Sensibiliser nos volontaires pour mieux les préparer à faire face à des situations complexes et à comprendre les vulnérabilités spécifiques liées à l’exil, par le biais de formations dédiées ; sensibiliser et éduquer les citoyens également, à tous les âges de la vie, pour favoriser l’hospitalité et l’inclusion des personnes migrantes. L’éducation est un enjeu majeur pour nous aujourd'hui. « Nous plantons de petites graines par ces actions, dans l’espoir que certaines germent et prospèrent selon les trajectoires de vie des personnes sensibilisées », ajoute Florent Clouet. La finalité de nos missions, c’est bien d’aider les personnes vulnérables à se relever et à se reconstruire dans des conditions dignes.

La force de la diplomatie humanitaire

Selon le Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés, le nombre de déplacés et de réfugiés a atteint le seuil symbolique de 100 millions de personnes déplacées ou réfugiées dans le monde. Nous savons que ce nombre va continuer à s’amplifier dans les mois qui viennent, conséquence de la crise ukrainienne et de ses effets dévastateurs dans de nombreux pays sur le plan alimentaire…Une crise parmi d’autres - guerres, violences, pauvreté, dérèglements climatiques… -, qui vont entraîner des mouvements de population importants, en direction de l’Europe notamment.

Nous devons donc nous y préparer, anticiper et inventer des réponses et des solutions durables, nous qui sommes trop souvent confrontés à des situations d’urgence. Agir avant, pendant et après la crise. Ce sont les trois piliers de notre stratégie 2030 qui guident notre action et doivent favoriser la résilience de celles et ceux que nous accompagnons.

Nos priorités stratégiques en matière de migration sont régulièrement repensées au regard du contexte politique en Europe, car les situations sont très mouvantes. Notre réflexion s’inscrit dans le cadre de la stratégie mondiale de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. « Ma conviction, c’est que les questions migratoires sont devant nous. Elles concernent toutes les sociétés Croix-Rouge et Croissant-Rouge en Europe car nous sommes présentes sur le chemin d’exil de la grande majorité des migrants », déclare notre président. « Deux enjeux doivent guider notre action : une réponse humanitaire à la hauteur des souffrances des personnes exilées et une législation internationale plus protectrice », précise Philippe Da Costa. En écho, Emilie Rammaert, présidente de la commission “Appartenance au Mouvement - Principes et valeurs et missions statutaires” affirme que le développement de voies légales permettraient de limiter les dangers des parcours migratoires et les drames auxquels nous assistons régulièrement.” Pour étayer ses propos, l’administratrice rappelle notamment le naufrage survenu sur les côtes de la Manche le 24 novembre 2021 et les nombreuses tragédies qui se déroulent en mer Méditerranée. Face à ses drames récurrents, nous devons encore amplifier nos actions, “avoir une approche collective pour harmoniser nos actions”, dit-elle, tout en soulignant la dynamique qui existe aujourd'hui au sein de notre Mouvement international pour faire face à ce défi majeur qu’est la migration.

Préserver un espace humanitaire sur le chemin de l’exil est notre credo. Et nous avons l’intention de faire entendre notre voix en France comme au niveau européen pour à la fois témoigner des vulnérabilités de ces populations et tenter de faire évoluer les politiques publiques.

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