Le Repair Lab est un atelier itinérant qui va à la rencontre des personnes en situation de précarité dans les lieux de vie informels. Le principe ? Mettre à disposition du matériel pour qu'elles puissent effectuer des réparations en tout genre sur leurs effets personnels.

Sous le pont de la gare de Jean Macé, des centaines de tentes occupent l’espace, constituant l’un des plus vastes lieux de vie informels à Lyon. La conductrice de l’équipe Repair Lab du jour, gare le véhicule de l’organisation face au campement en une froide après-midi de février. Les cinq bénévoles qui l’accompagnent sortent du camion le matériel qui va transformer, l’espace de quelques heures, ce lieu en un véritable atelier à ciel ouvert. Sur des larges tables sont disposés des boissons chaudes, une machine à coudre, du matériel de réparation de semelles, de quoi plastifier son téléphone... Les habitants du campement vont pouvoir réparer leurs vêtements, tentes, chaussures, protéger leur téléphone, ou encore bricoler sur leurs objets.

La spécificité du dispositif ? Les bénévoles n’effectuent pas les réparations à la place des personnes rencontrées, mais avec elles. C’est tout l’objet du Repair Lab, cet atelier mobile itinérant de réparation à destination des lieux de vie informels : mettre à disposition les outils pour que chacun puisse bricoler ou raccommoder ses effets personnels. Louise Brosset est l’initiatrice et coordonnatrice de ce dispositif, qui existe depuis 2023 : « le Repair Lab est un espace ressource, où les personnes vont pouvoir elles-mêmes entretenir, prendre soin de leurs objets, qui ont parfois une forte valeur sentimentale, notamment pour celles en situation d’exil. Réparer son t-shirt ne résout pas tout, mais cela fait tenir, ça permet de se sentir utile, et de valoriser souvent des compétences que les bénéficiaires ont, en réalité » témoigne-t-elle. Les deux premiers mercredis de chaque mois, le Repair Lab sillonne les différents campements de la métropole lyonnaise. Parfois, le matériel est contenu dans un simple sac à dos ou chargé dans le coffre d’un minibus. D’autres fois, le Repair Lab prend la forme d’un camion aménagé spécialement pour cette mission. Modulable, ce dispositif est véritablement tout terrain.

Ce jour-là, les bénévoles font le tour du campement pour informer de la présence de la Croix-Rouge. Avant de venir, ils se sont réunis pour un briefing, avec un rappel des règles : on est là pour épauler, mais pas pour faire à la place. « C’est son objet, c’est à la personne de décider de ce qu’elle veut en faire » rappelle Louise. L’idée est aussi d’offrir un espace de discussion, afin d’identifier d’autres besoins. Peu à peu, les premières personnes investissent l’espace. Sam, chef d’équipe Repair Lab, les accueille avec un café bien chaud. Burkinabé, ce jeune de 24 ans a lui-même connu les routes de l’exil. « Ici tu peux réparer tes affaires » indique-t-il à Fodé, 29 ans, qui vit ici depuis 8 mois après avoir quitté sa Guinée natale. Look d’étudiant soigné avec ses lunettes et son pull, Fodé en profite pour demander de nombreux renseignements, notamment pour être mis en lien avec une association qui distribue des vêtements chauds.

Un peu plus loin, Ayush est venu avec quatre pantalons à faire réparer. Agile, il se saisit de la machine à coudre, aidé par l’une des bénévoles. Ayush a quelques rudiments de couture à la main, appris au fil d’un exil qui force à la débrouille. « C’est encore mieux sur une machine » se réjouit-il, vérifiant soigneusement chaque détail de ses pantalons. « Pas mal non ? » s’exclame Ayush avec fierté en admirant le premier pantalon recousu. Venu de Mauritanie, Ayush est aussi étudiant à l’université en médiation culturelle, domaine dont il souhaite faire son métier. Au fil de la séance de couture, les langues se délient autour des difficultés de l’exil, de la vie dehors, mais aussi sur les rêves et les souvenirs.

Une semaine plus tard, le Repair Lab est de retour dans les rues de Lyon, cette fois au jardin des Chartreux, où un campement de mineurs non accompagnés (MNA) en recours est installé depuis plusieurs semaines. Si certains jeunes sont scolarisés la journée, d’autres restent au campement faute d’établissement. Dès l’installation des tables, plusieurs d’entre eux viennent à la rencontre de nos équipes, intrigués par les objets disposés pêle-mêle sur les tables. « C’est pour faire quoi en fait ? » interroge l’un d’entre eux. Damien, chef d’équipe du jour, leur explique le dispositif. Ce bricoleur a rejoint la Croix-Rouge spécifiquement pour la mise en place du Repair Lab, où ses compétences techniques ont toute leur place. Aussitôt, plusieurs jeunes retournent à leurs tentes récupérer des objets à réparer. D’autres viennent seulement boire une boisson chaude, échanger avec les bénévoles, ou encore faire charger leur téléphone. « Est-ce que tu sais où est-ce que tu peux aller récupérer des vêtements ? » questionne Ambre, en service civique à la Croix-Rouge, tout en tendant le guide Watizat, un guide d’information pour les personnes exilées, à l’un d’entre eux.

La tondeuse pour se coiffer rencontre le plus grand succès. « Merci beaucoup, ça fait tellement de bien, je me sens mieux » se réjouit Moussa*, qui vient de passer entre les mains expertes d’un autre jeune pour une coupe. Pendant la séance, un sourire sur le visage et les yeux fermés, il se sent comme chez le coiffeur. Il est arrivé il y a deux semaines à Lyon, après un passage par l’Espagne. « C’est la première fois que je peux prendre de nouveau soin de moi » confie-t-il. La tondeuse passe de main en main et les coupes s'enchaînent, dans les rires et les blagues des jeunes.

Un peu plus loin, Sékou* se renseigne sur la réparation des chaussures. Ses baskets tiennent encore mais sont usées. Sur une table, à l’aide de colle néoprène, il est possible de réparer les semelles abîmées. Ce jeune venu de Côte d’Ivoire est passionné de danse. Il profite de l’enceinte disponible pour faire découvrir les grands tubes ivoiriens. « Le rêve serait de pouvoir trouver un collectif de danse, mais d’abord il faut que je parvienne à m’installer vraiment ici, ne plus vivre dans le camp » souffle le jeune homme. Il en profite pour mettre un film hydrogel de protection sur son écran de téléphone. D’un air concentré, il trace les contours de son portable, avant de découper le film plastique et le poser délicatement sur l’écran sous le regard attentif de volontaire, bénévole à la Croix-Rouge.

Sur une autre table, Abdoulaye* a investi la machine à coudre. Le geste ferme, il glisse le tissu de son pantalon sous l’aiguille de la machine. Pour lui, pas besoin d’explications de la part des bénévoles : « j’ai appris à coudre au pays, en Côte d’Ivoire. Ça me fait plaisir de le faire ici, je répète des gestes que je n’avais pas fait depuis longtemps » raconte-t-il. Peu à peu, d’autres habitants du campement s’approchent avec leurs vêtements. Un sac à dos, un pull, un pantalon… Abdoulaye les aide à recoudre minutieusement. Si l’activité de réparation répond d’abord à un besoin d’urgence, elle revêt aussi un aspect émancipateur. C’est bien là tout le principe du Repair Lab : être un lieu ressource, qui donne les outils nécessaires pour être acteur du dispositif. Alors que la journée touche à sa fin et que les bénévoles commencent à ranger les tables, Mouss a lance : « vous reviendrez ? On a encore plein de besoins ici ! ».

* Certains prénoms ont été modifiés pour protéger l'identité des personnes citées.

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Crédit photos : Alexandre Bagdassarian / Texte : Blandine Lavignon

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