De la Syrie à la Guyane : parcours d’un jeune réfugié devenu chef d’entreprise et volontaire à la Croix-Rouge
Publié le 19 juin 2025

Fuir la guerre en Syrie
Bakour est né au nord de la Syrie, dans une famille heureuse et nombreuse (il a 3 sœurs : l’aînée, une sœur jumelle et la petite dernière !). Alors qu’il n’a que 12 ans, la guerre civile éclate en Syrie. Commence alors un long parcours d’exil. Se sentant menacé par le président syrien de l’époque, Bachar el-Assad, qui chasse sans relâche ses opposants, son père décide d’emmener toute la famille en Jordanie pour quelques mois. Bakour et sa famille ne savent pas alors que ces “vacances” à l’étranger vont se transformer en de nombreuses années d’exil ; une odyssée qui va les emmener jusque de l’autre côté de l’Atlantique…
Après un séjour de trois ans en Jordanie, comme il est impossible pour le père de Bakour d’y travailler, il décide de vendre tout ce qu’il possède et de tenter sa chance au Brésil, rare pays où les Syriens peuvent obtenir facilement un visa de réfugié. Après avoir travaillé un an sur place, seul, il fait venir sa femme et ses quatre enfants.
Traverser l’Atlantique
Bakour a alors 13 ans et il découvre pour la première fois un environnement complètement différent du Moyen-Orient. Le climat tropical, la culture brésilienne, la végétation luxuriante, la langue… Personne ne parlant anglais, il apprend le portugais. Mais au bout de quelques mois, son père décide de reprendre la route, la vie est finalement trop dure au Brésil. Des amis lui ont parlé de la Guyane française… Un département immense, essentiellement recouvert par la forêt amazonienne, qui partage avec le Brésil plus de 700 km de frontière. Le passage de la frontière n’est pas sans danger, mais les risques sont mesurés.
Et enfin la Guyane française !
En passant le fleuve Oyapock et le poste de contrôle de Saint-Georges qui marquent la frontière entre la Guyane et le Brésil, ils sont l’une des premières familles syriennes à s’installer sur le territoire. “C’est parti pour une nouvelle belle aventure” nous explique Bakour.
Pourtant les débuts sont difficiles. Les six membres de la famille sont contraints de vivre dans une chambre de 22m2 pour quelques 900 euros par mois. La barrière de la langue complique chaque démarche administrative et rend leur quotidien éprouvant. Ils rencontrent nos équipes de Croix-Rouge française pour la première fois dans la structure de premier accueil des demandeurs d’asile (SPADA). Leur première demande d’asile est refusée, mais la seconde sera acceptée en décembre 2019. C’est un immense soulagement pour toute la famille, qui va enfin pouvoir s'installer et se construire un avenir.
Faire des études pour réussir sa vie
Bakour a alors 17 ans, il est trop âgé pour bénéficier de la scolarisation gratuite française. Il enchaîne les “petits boulots” pour financer une école privée pour ses sœurs et lui, tout en apprenant seul le français à la maison. La famille est connue pour être travailleuse et motivée, elle reçoit de l’aide de nombreux Guyanais. Tous les 6 seront hébergés pendant quatre ans dans notre Hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA) et bénéficieront du soutien de nos équipes jusqu’en 2020, date à laquelle la famille devient autonome.
La même année, Bakour et ses deux soeurs obtiennent leur baccalauréat avec mention et poursuivent des études universitaires. Son aînée et sa jumelle partent dans l’Hexagone, lui décide de rester en Guyane aux côtés de ses parents et de sa plus jeune sœur.
Et devenir acteur du changement
Après une licence d’ingénieur spatial et un BTS, Bakour s’engage pendant quelques mois à la Croix-Rouge. Il met alors ses talents de traducteur au service des nouveaux exilés, offrant l’accompagnement et l’écoute dont il a lui-même bénéficié, ainsi que l’espoir et la solidarité qui ont marqué son propre chemin. Le jeune homme parle désormais arabe, anglais, portugais, espagnol et français. Sans oublier le créole bien sûr !
Bakour est heureux d’avoir pu apporter son aide à ceux qui traversent aujourd’hui les épreuves qu’il a vécues. «Lorsque nous sommes arrivés, personne ne nous comprenait. En plus des difficultés quotidiennes – se loger, se nourrir, se vêtir –, nous devions surmonter la barrière linguistique. Je veux être là pour aider ces personnes », nous confie-t-il.
Depuis quelques mois, Bakour se lance dans un nouveau défi : il vient de créer son entreprise de construction BTP, et il compte déjà huit salariés. Fier de son parcours et de celui de sa famille, Bakour se rappelle les années difficiles : “On a bien galéré. Nous sommes partis de Syrie il y a dix ans, et aujourd’hui, on est contents, ma petite sœur passe son bac. Sans l’aide que nous avons reçue, nous n’aurions jamais pu y arriver. Je ne pourrais jamais rendre à la Croix-Rouge ce qu’elle m’a donné. Elle a toujours été là pour moi. Nous avons aujourd’hui une histoire familiale avec l’association. Quand ils auront besoin de moi, je répondrai présent !”
La SPADA de Guyane accompagne les personnes souhaitant demander l’asile (primo-arrivants) à leur arrivée sur le territoire français. Face aux catastrophes naturelles, crises politiques et économiques, les flux migratoires se sont intensifiés vers le territoire. En 2024, la SPADA a accueilli trois fois plus de personnes que l’année précédente, soit entre 500 et plus de 800 personnes par jour. Parmi les primo-arrivants, les ressortissants afghans, syriens et sahraouis du Maroc sont les nationalités les plus représentées et privilégient un parcours bien moins dangereux qu’une traversée de la Méditerranée pour atteindre l’Europe.