Dans l’est de la RDC, où les violences sexuelles bouleversent des vies, l’hôpital et la Fondation Panzi offrent aux survivantes un refuge, des soins et tout un parcours de reconstruction. Aux côtés des équipes locales, nous renforçons les capacités de prise en charge et appuyons un modèle holistique qui permet à des milliers de femmes de se relever et de se reconstruire.

En République démocratique du Congo (RDC), la Croix-Rouge française soutient l’hôpital et la Fondation Panzi, spécialisés dans l’accompagnement des survivantes de violences sexuelles.

À Bukavu, dans l’est du pays, les collines du Sud-Kivu abritent une réalité que les équipes humanitaires connaissent bien : les violences sexuelles y sont courantes, ancrées dans un conflit qui n’en finit pas. Ici, des centaines de femmes arrivent chaque année à l’hôpital Panzi. Certaines ont marché plusieurs heures pour atteindre ce lieu devenu symbole d’espoir.

Créé en 1999 par le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix, l’hôpital Panzi est aujourd’hui mondialement connu pour son modèle holistique de prise en charge - médicale, psychosociale, juridique et socio-économique. Plus de 87 000 survivantes de violence sexuelle y ont déjà été accompagnées.

Depuis 2022, grâce au soutien de l’AFD, et aux côtés de l’Aide internationale de la Croix-Rouge luxembourgeoise (AICRL) et la Croix-Rouge de RDC, notre association appuie l’hôpital et la Fondation Panzi à travers un vaste projet de modernisation et de mobilisation communautaire. Le Dr Jean-Luc, notre adjoint coordinateur santé en RDC, raconte ce travail mené au quotidien auprès des survivantes.

Au Sud-Kivu, la violence sexuelle utilisée comme une arme de guerre 

« Le Sud-Kivu est l’un des épicentres des violences basées sur le genre en RDC. Les groupes armés utilisent le viol comme une arme de guerre. À cela s’ajoutent les violences domestiques, les mariages précoces et une pauvreté extrême. Les femmes font face à de nombreux obstacles : l’éloignement des structures de santé, la stigmatisation, et un accès limité aux soins, au soutien psychosocial et à la justice », décrypte le Dr Jean-Luc. L’impunité, souligne-t-il, « renforce le silence et empêche les survivantes de demander de l’aide ».

Un projet pour redonner accès aux soins et renforcer l’autonomie des femmes

L’objectif du projet mené par nos équipes sur place est clair : réduire les inégalités de genre dans l’accès à la santé et soutenir l’autonomie des femmes dans la zone de santé d’Ibanda.

Concrètement, cela passe d’abord par la modernisation de l’hôpital Panzi :

  • réhabilitation et équipement de 7 blocs d’hospitalisation,

  • augmentation de la capacité d’accueil à 450 patients,

  • amélioration de la confidentialité et de la sécurité,

  • renforcement des capacités du personnel de santé.

Grâce à la modernisation en cours, l’établissement pourra bientôt recevoir davantage de femmes. À terme, ce projet bénéficiera à près de 400 000 personnes. « Pendant longtemps, l’hôpital était saturé car la capacité d’accueil n’était pas suffisante. Demain, plus aucune femme ne devra attendre », se réjouit le Dr Jean-Luc.

Plus de places, c’est aussi une prise en charge plus rapide, un suivi complet sans rupture et un réel espoir pour des femmes qui, parfois, arrivent brisées.

« Aujourd’hui, davantage de femmes osent venir demander de l’aide »

Au-delà des murs de l’hôpital, le travail des volontaires de la Croix-Rouge de RDC est essentiel pour accompagner les survivantes. Ils mènent des actions de sensibilisation dans les communautés, informant les femmes sur les services disponibles, leurs droits et l’importance de chercher de l’aide rapidement. 

Un travail de prévention qui semble déjà porter ses fruits : « Les sensibilisations menées par les volontaires ont brisé des tabous. Les familles, et parfois même les leaders communautaires, encouragent les survivantes à consulter rapidement. Les femmes savent mieux où aller, et elles ont davantage confiance », explique le Dr Jean-Luc.

Malgré les progrès, les conséquences sociales restent lourdes : « Beaucoup de survivantes sont rejetées par leur mari ou leur famille. D’autres sont mises à l’écart de leur communauté. Certaines n’osent pas demander de l’aide par peur des représailles », explique-t-il. Mais là aussi, les sensibilisations commencent à faire bouger les lignes : « Les communautés comprennent de mieux en mieux que ces femmes sont des victimes ».

Une prise en charge holistique : des soins, mais aussi un parcours de reconstruction

Au cœur du dispositif se trouve l’approche holistique de Panzi. À leur arrivée, les survivantes sont accueillies dans un espace sécurisé et confidentiel. « Elles reçoivent immédiatement des soins médicaux spécialisés, notamment dans les 72 premières heures si nécessaire, puis un soutien psychosocial assuré par des femmes qu’on appelle ici les “mamans chéries”. Elles suivent les survivantes tout au long de leur parcours », détaille le Dr Jean-Luc. Ensuite, selon les besoins, elles peuvent être orientées vers :

  • la Maison Dorcas de la Fondation Panzi, pour un hébergement sécurisé, un accompagnement thérapeutique, des formations professionnelles ;

  • les services juridiques, pour être informées de leurs droits ou déposer plainte ;

  • des programmes de réinsertion socio-économique.

« L’objectif, insiste le Dr Jean-Luc, est que chaque femme puisse retrouver la dignité, la sécurité et l’autonomie ».

« La reconstruction passe aussi par l’autonomie »

La modernisation des infrastructures de l’hôpital Panzi, la mobilisation communautaire et le soutien aux soignants et aux survivantes participent à transformer profondément l’accès aux soins et la lutte contre les violences sexuelles dans la province du Sud-Kivu. 

L’autonomisation des femmes passe non seulement par l’accès aux soins et à la réinsertion socio-économique, mais aussi par l’éducation, l’information sur leurs droits. Et surtout, elle implique l’engagement des hommes comme alliés dans le changement des normes sociales : dans une société fortement patriarcale, certains hommes prennent conscience de leur rôle, soutiennent les survivantes et contribuent à faire évoluer les mentalités. « Ce que nous faisons ici, conclut le Dr Jean-Luc, c’est permettre à des femmes de se relever, de retrouver leur dignité, et de penser à un avenir ».

Les partenaires de ce projet :

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