De l’exil aux vignobles, rencontre avec Daoud et Tomas
Publié le 19 juillet 2022
En Côte-d'Or, au cœur de la Bourgogne et de ses célèbres vignobles, nos équipes œuvrent au quotidien pour l’intégration professionnelle et l’inclusion des personnes bénéficiaires de la protection internationale. Avec notre dispositif IPeR Actifs 21, nous créons des passerelles avec les autres acteurs économiques et sociaux du territoire. Objectif ? Permettre la résilience de nos publics par l’accompagnement individuel, la formation et le travail.
Photos : Alex Bonnemaison
7h30, un vendredi du mois de juillet. Malgré l’heure matinale, les températures sont déjà élevées et le soleil haut dans le ciel de Bourgogne. Dans les rangs d’un joli vignoble des Maranges, où l’on cultive du chardonnay et du pinot noir, l’équipe d’ouvriers viticoles a déjà commencé à travailler la terre, à enlever les herbes folles au pied des vignes. Ici, nous sommes en terrain bio : cela se fait sans produit chimique, à la main et à l’aide de petites pioches. Cette parcelle appartient à la Maison Boisset, un acteur du vin incontournable dans la région, avec près de 850 salariés.
Ce jour-là, aux côtés des anciens, des plus jeunes et de ceux qui effectuent une reconversion, on rencontre Daoud et Tomas, tous deux bénéficiaires de la protection internationale (BPI). Daoud vient d’Afghanistan, Tomas d’Erythrée. En France depuis quelques années, ils viennent de terminer la Préparation Opérationnelle Emploi Collective (POEC) viticulture (« viti-vini ») proposée dans le cadre de notre dispositif. « IPeR Actifs 21 est une plateforme socio professionnelle destinée aux personnes qui ont obtenu une protection internationale, explique Elisabeth Dounon, coordinatrice. Notre mission est de faire le lien entre elles et les différents acteurs du territoires pour faciliter leur intégration professionnelle et leur inclusion. » Les métiers autour du vin étant évidemment une spécificité de la Bourgogne, créer des passerelles en ce sens était presque une évidence ! « Mais attention, il ne s’agit pas de ‘placer’ ces personnes dans les vignes uniquement parce qu’il y a des besoins, ajoute Elisabeth Dounon. On échange avec eux, on voit ce qu’ils veulent faire, on regarde leurs talents et leurs envies et, si et seulement si la vigne est une option, on leur propose la POEC. »
En tant que coordinatrice du projet, Elisabeth Dounon accompagne quotidiennement les réfugiés dans leur parcours d’insertion.
Formation inédite
Onze personnes accompagnées par nos équipes se sont inscrites à cette première POEC « viti-vini », qui s’est déroulée de fin avril à fin juin. « Cette formation a été spécifiquement conçue pour le public BPI, détaille Stéphanie Durand, conseillère au sein de l’organisme Ocapiat. Nous avons associé le centre de formation, les entreprises et les acteurs sociaux pour construire un contenu complet et adapté, avec du Français langues étrangères (FLE), de la technique et des premiers stages sur le terrain, sans oublier d’associer un volet hébergement. A l’issue de ces trois mois, neuf personnes ont souhaité poursuivre dans cette voie professionnelle et sept d’entre elles, comme Daoud et Tomas, ont signé un contrat de professionnalisation d’un an dans la foulée. »
Voilà quelques semaines que Tomas et Daoud ont rejoint les équipes du domaine Boisset
La Maison Boisset, qui a notamment embauché Daoud et Tomas, s’est également très investie dans le projet. « Nous avons été associés à l’élaboration de la POEC mais également au contenu des 25% de temps de formation prévus dans le cadre du contrat de professionnalisation, complète Camille Depuydt, gestionnaire ressources humaines à la Maison Boisset. C’est la première fois que nous embauchons des personnes BPI et il n’y a que des points positifs. En tant qu’employeur, cela nous oblige à nous adapter, à dialoguer davantage, à prendre en compte les problématiques plus personnelles des salariés, comme le logement ou le transport. De plus, c’est fédérateur pour nos équipes : Daoud et Tomas ont encore des difficultés avec la langue française mais les autres ont envie d’aider. Ils leur expliquent, leur montrent les bons gestes. » Johan, chef de culture et tuteur de Tomas, le confirme : « depuis qu’ils ont démarré leur contrat pro début juillet, la dynamique est bonne. Ils ont envie d’être là et arrivent chaque jour avec le sourire : ça donne le ton pour tout le groupe ! ».
Trajectoire de vie
Johan explique à Tomas les impacts de la grêle sur le raisin.
Dans les vignes ce matin-là, la pertinence du projet ne fait aucun doute. Rang après rang, l’équipe s’occupe des pieds de vigne avec précision et souci du détail. Entre deux petits coups de pioche, Johan montre à Tomas et Daoud les impacts de la grêle sur les grains de raisin, les grillures du soleil, la façon de prendre soin du bois pour préparer la récolte de l’année suivante. « A l’issue du contrat pro, nous souhaitons leur proposer un CDI, souligne Alexandre Dos Santos, directeur des domaines au sein de la Maison Boisset. Nous avons besoin de personnes motivées, intéressées, volontaires. Donc si ça leur plaît, bien sûr qu’ils seront invités à rester. Par leur trajectoire de vie, ils suscitent le respect. Et quand on connaît un peu leur histoire, ça fait relativiser les petits problèmes de chacun. Au sein de l’équipe, on se dit qu’on s’en sort pas si mal, finalement. »
“Je suis content de travailler ici. Pour moi, c’est un jour après l’autre [..] Je sais juste que je veux rester en France et avoir un métier que j’aime. “ Tomas.
Côté Croix-Rouge, côté apprentis , côté employeur… Cette action fait sens. « J’ai besoin de travailler, d’être utile et d’apprendre le français, tout en poursuivant un projet professionnel synonyme d’avenir dans mon pays d’accueil », confirme Tomas. A la Croix-Rouge française aussi nous sommes convaincus que la résilience passe par la formation et l’emploi. Dans les vignes, pour certains… et ailleurs pour d’autres ! C’est pourquoi notre dispositif IPeR Actifs 21 ne concerne pas uniquement le milieu viticole. « Nous accompagnons en ce moment 169 bénéficiaires d’une protection internationale, complète Elisabeth Dounon. Actuellement, 60 % sont en poste ou en formation, dans la viticulture ou dans les secteurs du bâtiment, de la cuisine, etc. Mené avec différents partenaires, adapté le plus possible à la situation de chacun, notre accompagnement sera terminé quand ils auront un contrat professionnel pérenne et un logement autonome. Pas avant ! »
Anne-Lucie Acar