Notre équipe mobile santé-précarité (EMSP) prodigue des soins sans relâche à un nombre croissant de blessés ou malades depuis le passage dévastateur de Chido. Nous leur avons tendu le micro dans un bidonville de Vahibé sur les hauteurs de Grande-Terre.

Ici, à Vahibé, nous sommes dans une zone réputée sensible et très isolée en règle générale. Nombreux sont celles et ceux qui souffrent de blessures, souvent dues aux tôles qui se sont envolées. Nombreux sont les enfants marchent pieds nus dans les débris au risque de se blesser dangereusement. Alors, notre équipe EMSP va à leur rencontre. Ces médecins et infirmières, qui travaillent au centre hospitalier de Mayotte (CHM), vivent leur première expérience Croix-Rouge. C’est Roxane, leur collègue et la chef d’équipe qui les a motivés. Après leurs toutes premières heures à œuvrer sous notre emblème, ils témoignent.

Angélique et Nicolas

Angélique Dumontier a 26 ans et travaille dans le tourisme. Son compagnon, Nicolas est médecin réanimateur et travaille à l’hôpital de Mamoudzou. Arrivés sur l'île début novembre, le couple devait y rester 6 mois. Mais en une semaine, leur quotidien a basculé…

Angélique : « Je ne suis pas médecin, et je ne savais pas comment aider. Roxane est venue nous parler de la Croix-Rouge, mais je ne savais pas quel rôle je pourrais y remplir. Finalement, j’ai eu plusieurs petites missions aujourd’hui : recenser les plaies, les blessures, les prises en charge et l’orientation des patients, et faire de la vigilance pour sécuriser la zone et de l’aide pour les pansements. On a notre vie ici. Tous ces gens qui n’ont plus de toit sur la tête, plus rien à manger, nous les croisions avant le cyclone et c’est important d’être solidaires avec eux. »

Nicolas : « J’ai vécu ce matin à la fois bien et douloureusement. Bien car on a été bien accueillis et c’est important de voir ce qui se passe et d’aller à la rencontre des gens. Mais douloureusement car c’est difficile de voir des gens dans cette situation. On a envie de faire plus mais on est limités en termes de possibilités d’action. Les blessures, on s’y attendait, mais ce que nous craignons c’est de les retrouver plus tard à l’hôpital dans des états critiques car là, on a fait le strict minimum avec des pansements, des désinfections. Mais on sait que s’ils ne vont pas dans des centres dans les prochains jours, cela peut dégénérer et finir en amputation. »

Elisabeth et Guillaume

Elisabeth est médecin en soins palliatifs. Avec son compagnon Guillaume, médecin en réanimation pédiatrique, ils ont toujours été donateurs et soutiens de la Croix-Rouge, mais sans s'engager en tant que bénévoles. Aujourd’hui, c’est donc une première.

Elisabeth : “C’est normal et important d’aider quand on va bien, quand on a un toit. Mais on aimerait que ça aille plus vite, c’est un peu frustrant. Les personnes n’ont plus rien. Elles nous disent « merci d’être là », alors cela nous réconforte face au sentiment de ne pas pouvoir faire assez. Le fait d’être là et que les gens voient que l’aide arrive, c’est déjà quelque chose. On leur montre qu’on est témoins de l’anormalité de ce qu’ils vivent. Pour nous, agir aujourd'hui, c’est finalement le pied à l’étrier qui nous manquait. Être bénévoles faisait partie de nos projets, c’est une concrétisation. »

Guillaume : “Ce matin, j’ai eu une sensation de nécessité d’aller au plus près de la population qui ne se déplace pas vers les centres de soins. C’est une population isolée dans les bangas, donc il faut aller vers eux et essayer de s’avancer le plus loin possible. C’est important même si ce sont des petites plaies, car ce sont toutes des plaies à risques de surinfections. Peut-être qu’en intervenant comme on le fait en nettoyant, si la personne se rend ensuite dans un centre de soins comme on le lui conseille, on peut éviter des complications qui pourraient être mortelles.”

Camille, gynécologue, était de garde cette nuit à la maternité : « Je ne peux pas rester chez moi sans rien faire, donc je viens. Les petits pansements ça peut paraître pas grand- chose mais c’est aussi de l’éducation thérapeutique. Les gens comprennent qu’il faut que les pieds restent propres, au sec. Certains vont comprendre qu’il faut un suivi. Je ne me sens pas là en tant que soignante mais en tant qu’aidante. Les soins qu’on fait, tout le monde peut les faire. Je veux aider dans ce chaos. A l’hôpital, on aide mais quand je ne travaille pas, je ne peux pas rester chez moi à me tourner les pouces.»

Céline est infirmière anesthésiste. Elle est en contrat pour 3 mois au CHM : « J’allais prendre mon petit déjeuner à l’internat, et on m’a dit qu’il y avait une voiture qui partait, alors je suis partie. C’est bien mais ce n’est rien du tout ce qu’on fait, ils ont vraiment besoin de soins, il faut qu’ils aillent à l’hôpital. C’est frustrant, mais c’est déjà ça, un contact et du réconfort. »

Textes et photos : Marie Magnin

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