Un an après le passage dévastateur du cyclone Chido, Mayotte continue de panser ses plaies, et nos équipes sur place font toujours preuve d’un engagement sans faille et d’une capacité de résilience admirable. Kadafi Attoumani, directeur territorial, nous dresse le bilan de l’année écoulée, et des défis majeurs auxquels ses équipes se préparent.

Interview de Kadafi Attoumani, Directeur territorial de la Croix-Rouge française à Mayotte 

Quel est votre état d’esprit et celui de vos équipes, un an après le cyclone Chido ? 

Nous avons une impression mitigée. Il y a encore beaucoup d’inquiétudes, les plaies ne sont toujours pas refermées. Le cyclone Chido a fait beaucoup de dégâts, y compris parmi nos collaborateurs. Et même s’ils se sont donnés corps et âme après la catastrophe, et que beaucoup de choses ont été réalisées depuis, un an après, la nouvelle saison cyclonique commence et le traumatisme de l’année dernière demeure vivace. 

Au niveau matériel, il reste beaucoup de choses à faire. Les travaux de réparation sur les maisons sont loin d’être terminés. Certaines écoles, très abîmées, sont encore fermées, ce qui oblige une partie des enfants à aller dans d’autres établissements scolaires, dans des classes souvent surchargées.

Chido n’était que la face immergée de l’iceberg, cela fait des années que l’accès aux infrastructures de base est compliqué. Et l’accès à l’eau potable est toujours aussi difficile, avec des coupures d’eau très régulières.  

Pour vous préparer à cette nouvelle saison cyclonique, qu’avez-vous mis en place ?

Côté Croix-Rouge, nous faisons le maximum pour nous préparer de manière sereine à cette nouvelle saison cyclonique: simulations d’exercice pour ne pas nous retrouver en difficulté, formation des bénévoles et de la population, préparation des stocks…

On met l’accent sur une préparation collective mais aussi individuelle. Depuis plusieurs semaines, nous avons diffusé un spot sur le Catakit à la télévision et sur les réseaux sociaux, dont nous avons adapté le contenu aux habitants de Mayotte, pour que la population se prépare. Nous mettons aussi en place notre plan de continuité d'activités sur chacun de nos dispositifs, notamment pour les plus sensibles comme le service de soins infirmiers à domicile, pour ne pas laisser les malades sans prise en charge en cas de nouvelle catastrophe. Pareil pour le dispositif de malnutrition infantile, grâce auquel nous distribuons des aliments nutritionnels spécifiques, sur prescription médicale, il ne faut absolument pas qu’il y ait la moindre interruption de ce service vital. 

Nous continuons de soutenir l’hôpital de Mayotte qui est complètement submergé et sous-dimensionné par rapport à la demande des populations locales. Nous avons recruté essentiellement dans le domaine du soin, parce que c’est là que les besoins sont énormes, en  créant et pérennisant six Équipes mobiles santé-précarité, constituées de soignants qui se rendent auprès des patients dans toute l’île. 

Nous avons aussi recruté du personnel expert en Eau, hygiène et assainissement (EHA), pour continuer à potabiliser l'eau. Nous utilisons toujours la machine qui a été installée au lendemain de Chido par nos Equipiers de réponse aux urgences (ERU), et nous en avons racheté une seconde, car elles ne sont pas censées tourner 24h/24h. Nous nous en servons donc en alternance. La production d’eau se fait à partir des rivières, l’eau potable est ensuite stockée dans des citernes et apportée dans les lieux les moins accessibles pour fournir les populations les plus isolées. 

Quelles sont les priorités des prochains mois ? 

Nous avons beaucoup de choses à faire. Nous devons assurer la continuité de nos actions renforcées ou mises en place après Chido, et préserver l’héritage issu des fonds que nous avons reçus après la catastrophe : il faut les utiliser pour relever Mayotte, mais aussi pour préparer l’île aux futurs évènements climatiques extrêmes. 

Parmi les prochaines étapes envisagées, nous allons renforcer et créer de nouveaux dispositifs dans le secteur de l’urgence et des secours pour préparer, sensibiliser et former les populations. Nous avons déjà largement commencé la formation des équipes salariées et bénévoles aux gestes de premiers secours. Nous avons aussi sensibilisé les enfants pour que la population puisse se prendre en charge en cas de nouvelle catastrophe. 

Sur les exercices de simulation, nous avons renforcé les scénarios, pour nous préparer à toutes les éventualités et tous les risques possibles. 

La création de l’institut de formation en soins infirmiers se poursuit. Le bâtiment est encore en construction, mais les premiers élèves ont déjà commencé leur formation à Nîmes. On va monter en charge progressivement. On a commencé avec une vingtaine d’élèves, en attendant  40, puis 65 élèves supplémentaires. A terme, dans 5 ans, nous aurons près de 200 élèves. 

Quel message souhaitez vous adresser aux volontaires de Mayotte ?

Je tiens à saluer la forte mobilisation de nos équipes pour préparer cette nouvelle année, et pour faire en sorte que tout se passe bien, malgré les nombreuses difficultés qui compliquent leur action.

Les chiffres clés 

  • Près de 20 000 personnes ont été accompagnées depuis le cyclone Chido dans le cadre des actions de santé, d’orientation sociale et de soutien communautaire.

  • 56 000 personnes ont bénéficié d’une aide alimentaire d’urgence, dans un dispositif d'une ampleur inédite coordonné avec les Centres Communaux d'Action Sociale. La prévention reste un pilier majeur.

  • 17 300 personnes ont été sensibilisées aux bonnes pratiques liées à l’hygiène, à la santé publique et à la prévention des risques.

  • Six Équipes mobiles santé-précarité couvrent l’ensemble des bassins de santé et assurent une présence régulière auprès des populations les plus isolées. Avant Chido, Mayotte n’en comptait qu’une seule.

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