L’eau manquait déjà cruellement avant le cyclone Chido, elle est aujourd’hui encore plus rare et précieuse. Produire de l’eau potable et la distribuer au plus grand nombre, c’est la mission des équipiers de réponse aux urgences (ERU) spécialisés en eau, hygiène et assainissement (WASH pour les initiés). Mi-chimistes, mi-techniciens, leur expertise est une véritable plus-value pour les équipes locales, conscientes que la crise de l’eau est loin d’être terminée.

 Ils ne passent pas inaperçus. Lorsque les ERU WASH se déploient sur un site, c’est avec une quantité de matériel impressionnante : des pompes, des tuyaux, des cuves et une drôle de machine installée à bord d’un véhicule utilitaire. Tout ceci constitue une unité de traitement d’eau, capable de fournir de l’eau potable à 100 voire 200 foyers par jour. Mais avant cela, il faut tout installer et les renforts sont les bienvenus. Ainsi, les ERU sont accompagnés par 4 salariés de la direction territoriale et par des volontaires venus de métropole. « On est des petites mains. On aide aux raccordements, à l’installation du matériel pour permettre aux ERU de se consacrer à la partie ‘’labo’’, autrement dit à la production d’eau », raconte Maud, fière de participer à cette mission cruciale.

Mais alors, comment ça marche ? C’est Rémi, l’un des 4 ERU, qui nous le résume : « On pompe d’abord des eaux de surface – rivières, puits ou autres sources – qui passent ensuite à travers des filtres qu’on appelle membranes, ultra fines. On obtient alors une eau limpide mais impropre à la consommation. D’où une dernière étape, celle de la chloration qui permet d’éliminer les bactéries et d’avoir une eau potable ». Le tout, en une heure. Simple, efficace. Les ERU interviennent ainsi sur 4 sites de distribution mais aussi dans des quartiers avec un camion-citerne. En janvier, 145 000 litres d’eau ont été produits. C’est beaucoup, mais pas autant qu’on le voudrait. « A titre de comparaison, dans un camp où la population est très concentrée, nous sommes capables de fournir près de 2 000 litres par heure », précise Rémi. Ça tient à la configuration de l’île, à des contraintes géographiques et à l’éparpillement des communautés.

Entre ERU et EHA, c’est donnant-donnant

Le travail de sensibilisation effectué en amont par les équipes Eau, hygiène, assainissement (EHA) ainsi que leur connaissance du terrain facilitent le contact avec la population. Beaucoup de gens sont bien conscients des risques encourus par une eau impropre à la consommation. A chaque distribution, 4 salariés EHA interviennent en binôme avec les ERU sur des sites sensibles, particulièrement exposés à des risques sanitaires, pour passer leurs messages de prévention, expliquer ce qui se passe et rassurer parfois sur ce petit arrière-goût de chlore qui peut susciter de la défiance. L’activité EHA, lancée en 2018, n’a cessé d’augmenter et compte aujourd’hui 18 personnes - contre 4 initialement. « Avec la crise de l’eau et l’apparition du choléra en 2024, puis le cyclone Chido, nous avons dû renforcer la surveillance épidémiologique », explique Kelly, la responsable. « Parce qu’un cas de choléra à La Réunion, c’est gérable et vite sous contrôle. A Mayotte, les conséquences peuvent être vite catastrophiques en raison du manque d’eau potable ! », précise-t-elle. D’où l’importance de monter en compétences. La présence d’ERU est en ce sens une aubaine pour acquérir de nouvelles connaissances. Les salariés ont ainsi été formés par les ERU sur les procédés de chloration de l’eau, l’utilisation d’une unité de traitement, plus quelques bases de chimie. Objectif, pérenniser la mission.

Penser déjà à une stratégie de sortie de crise

Kelly milite pour le maintien d’unités de traitement d’eau sur l’île à moyen terme et se félicite du soutien de l’Agence régionale de santé. « C’est indispensable, parce qu’on va à coup sûr subir une nouvelle crise de l’eau dans les mois qui viennent, prédit-elle avec une pointe d’inquiétude. La pluviométrie reste basse et l’eau n’est toujours pas potable à Mayotte ». Sans solution pérenne, les risques sanitaires restent importants en effet. Il faut donc à tout prix assurer la continuité des activités menées par les ERU, une fois l’urgence passée et anticiper une stratégie de sortie de crise, estime Kelly. Car au-delà de la problématique de l’eau, c’est une question de santé plus globale qui se pose. « Nous avons intérêt à répondre aux besoins de tous, sans distinction, à offrir une eau sécurisée pour tous ! », clame-t-elle, se faisant la voix de la Croix-Rouge.  

Photos : Marie Magnin et Guillaume Binet / MYOP

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