Le Vanuatu, un des pays les plus exposés aux catastrophes
Publié le 10 juin 2025

Théotime, vous avez fait partie des volontaires déployés en renfort au Vanuatu aussitôt après le séisme du 17 décembre dernier. Tout d’abord, pouvez-vous nous rappeler les faits ?
Je suis envoyé en Nouvelle-Calédonie fin novembre 2024 comme coordinateur logistique en renfort de l’équipe de la PIROPS basée à Nouméa. Et, en effet, quelques semaines plus tard, nous sommes mobilisés en urgence lorsque survient ce séisme majeur - 7,3 sur l’échelle de Richter - au Vanuatu. Nous l’avons d’ailleurs ressenti en Nouvelle-Calédonie, à plus de 500 km de là. Ce tremblement de terre touche en particulier l’île d'Efate et sa capitale, Port-Vila. Le bilan humain est important : 12 morts et plus de 200 blessés. De nombreux édifices sont détruits - dont les ambassades américaine , française et néo-zélandaise -, des ponts effondrés… Ce séisme a aussi entraîné des coupures d'eau, d'électricité, du réseau téléphonique et d’Internet. Les vols à destination et au départ de l'aéroport international Bauerfield sont suspendus. Bref, l’île est coupée du monde. Le Département national de gestion des catastrophes du Vanuatu lance alors un appel à l’aide internationale.
Et la Croix-Rouge y répond immédiatement. Que fait-elle ?
Tous les acteurs Croix-Rouge sont mobilisés durant la phase d’urgence qui a duré près d’un mois. D’abord les volontaires de la Croix-Rouge du Vanuatu qui sont sur place, puis des renforts humains et matériels déployés de Nouvelle-Calédonie, via la délégation territoriale et la PIROPS. Ensemble, nous envoyons 200 kits de première urgence. Chaque kit est prévu pour une famille de cinq personnes durant un mois. Il contient un kit cuisine (composé d’une batterie de casseroles, ustensiles, assiettes, etc.), un kit abri (comprenant des outils pour reconstruire son habitat), des bâches, des jerricans pour stocker de l'eau potable et un kit hygiène. En même temps que ce matériel, des équipiers WASH, c’est-à-dire spécialisés en eau, hygiène et assainissement, partent au Vanuatu avec une station de traitement et de potabilisation d'eau. Par ailleurs, nous menons une opération conjointe avec les services du gouvernement calédonien qui met à notre disposition une seconde station de traitement d'eau et des équipiers supplémentaires. La Croix-Rouge est chargée de coordonner ces opérations.
Combien de temps êtes-vous restés mobilisés ?
La phase d’urgence a duré un mois environ, ensuite nous avons soutenu des opérations dites de relèvement grâce à des financements du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères français (projet appelé phare-u). Nous avons également réalisé des formations aux premiers secours psychologiques destinées aux volontaires de la Croix-Rouge du Vanuatu, étendues ensuite aux communautés locales afin qu’elles soient en mesure d’assurer elles-mêmes ces gestes en cas de situation d’exception.
Quel est le rôle de la PIROPS précisément ?
La PIROPS est le pendant de la PIROI, la Plateforme d’intervention régionale de l’océan Indien, et de la PIRAC, Plateforme d’intervention régionale dans la zone Amérique-Caraïbes, dans le Pacifique Sud. Elle couvre une superficie gigantesque allant de la Papouasie Nouvelle-Guinée au nord-ouest, à la Nouvelle-Calédonie et au Vanuatu au sud jusqu’à la Polynésie française à l’est. Sa zone d’intervention englobe également les Fidji, Wallis-et-Futuna, les îles Marshall, Salomon et Tonga, notamment.
La PIROPS, c’est une équipe de 6 salariés experts - un chef de mission, un coordinateur en gestion des risques de catastrophe, une coordinatrice administrative et financière, un coordinateur logistique, une cheffe de projet et enfin un délégué premiers secours, basé à Fidji. Elle dispose de ses propres moyens de financements. Elle intervient soit à la demande de la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (IFRC), soit des Sociétés nationales de la zone directement en cas de crise. Ses interventions sont adaptées aux besoins. Sur un événement exceptionnel comme le séisme au Vanuatu, la mobilisation du Mouvement Croix-Rouge joue pleinement. Mais il arrive que nous financions simplement des interventions, comme ça a été le cas lors d’une épidémie de dengue aux îles Tonga ou que l’on envoie uniquement du matériel quand la Société nationale a les moyens de déployer des équipes et d’assurer la réponse à l’urgence (distributions, mise à l’abri, etc.).
En résumé, les missions principales de la PIROPS consistent d’une part à renforcer les capacités d’action des Sociétés nationales dans le domaine des premiers secours et des premiers secours psychologiques, d’autre part à mettre à disposition du matériel d'urgence - des kits principalement - mais aussi à former des volontaires aux situations d’exception : distributions, traitement d'eau, logistique.
Quelles sont les principales vulnérabilités de la zone Pacifique Sud et du Vanuatu en particulier ?
Les niveaux de vulnérabilités diffèrent d’un territoire à l’autre, mais tous sont concernés par la période cyclonique (octobre à mai chaque année). Il y a également un fort risque de tsunamis pour un certain nombre d'îles. De plus, avec le réchauffement climatique et la montée des eaux, certaines nations du Pacifique vont littéralement disparaître. Mais c’est sans doute le Vanuatu qui bat tous les records en termes d’aléas. L’archipel se situe sur la ceinture de feu, l’une des zones sismiques les plus actives de la planète. De 1975 à 2005, 11 000 séismes de force 5 à 8 ont été répertoriés ! Le pays a également été frappé à plusieurs reprises par des cyclones majeurs : le cyclone Pam en 2015, Harold en 2020 qui a détruit 80 % des habitations dans la province de Sanma, et 3 cyclones en 2023, Lola, Kevin et Judy.
Quels sont les principaux défis à relever pour vous dans ces territoires ?
Ce sont les défis logistiques, liés aux distances entre les archipels et aux difficultés d'accès. Les deux seuls moyens de transport existants pour accéder aux îles sont l'aérien et le maritime. L'aérien est rapide, certes, mais que faire si l’aéroport est hors service ? Le maritime quant à lui est extrêmement lent et pose une problématique de volume d’aide matérielle. D’un point de vue logistique, nous sommes donc dépendants soit des forces armées quand elles sont mobilisées, soit des compagnies aériennes ou maritimes privées qui exigent des financements extrêmement lourds.
La solution est donc de disposer de moyens matériels en amont d’une crise et des entrepôts de stockage disséminés sur le maximum de territoires. C’est notre objectif, à travers le projet 3 océans* (cf. encadré). Plus on est prêt, à proximité des territoires les plus isolés, plus on est réactif, et plus on réduit le délai d'intervention. L'autre objectif, c'est de former les populations locales pour qu'elles soient autonomes durant les premiers jours, voire les premières semaines qui suivent une catastrophe.
Comment et à quoi les formez-vous ?
La PIROPS mène depuis une quinzaine d’années en Nouvelle-Calédonie le projet ALERTE. Il vise à sensibiliser les enfants et les jeunes aux risques naturels : feux de brousse, tsunamis, inondations, cyclones, mouvements de terrain… Les volontaires de la Croix-Rouge interviennent dans les écoles, principalement auprès des CM1 et CM2. Nous avons récemment déployé ALERTE à Wallis et Futuna. C'est un projet-clé de réduction des risques de catastrophe, pour lequel la PIROPS est très sollicitée.
Projet 3 Océans
renforcer la résilience des populations et des territoires dans trois bassins océaniques
Le projet "3 Océans" vise à renforcer les capacités de préparation et de réponse à l’urgence des territoires insulaires de l’océan Indien, du Pacifique Sud et des Caraïbes en développant des actions focalisées autour des étapes du cycle de la gestion des risques de catastrophes (anticipation, préparation, prévention, réponse à l’urgence et réhabilitation). Il est mis en œuvre par les Plateformes d’intervention régionales de la Croix-Rouge française en Guadeloupe, à La Réunion (depuis 2019) et en Nouvelle-Calédonie (depuis 2024), avec le soutien de l’Agence française de développement .
A travers ce projet, la Croix-Rouge française et ses partenaires se mobilisent pour atténuer l’impact des catastrophes, des crises sanitaires et du changement climatique sur les populations des petits États insulaires en développement (PEID). La 3ème phase du projet (2024-2026) met l'accent sur les enjeux environnementaux et l'égalité femmes-hommes dans la gestion des risques de catastrophes. Elle vise à bénéficier indirectement à une population estimée à dix millions de personnes.
Je découvre le dossier sur le projet 3 océans