Pour sa dernière édition, la Croix-Rouge française a consacré son 3e Rapport résilience à un sujet brûlant d’actualité : la santé et surtout la difficulté pour de plus en plus de citoyens d’accéder aux soins. Vieillissement de la population, demande croissante de soins, manque de personnel médical, isolement de certains territoires et insuffisance des financements sont autant d’éléments qui contribuent à la formation de déserts médicaux qui affectent entre 6 et 8 millions de personnes en France. Soit le tiers de nos communes. L’année dernière, un Français sur trois a renoncé à se soigner.

Qu'est-ce qu'un désert médical ?

Un désert médical implique de nombreuses difficultés : augmentation des délais pour obtenir une consultation médicale (au risque d'aggraver l'état de santé des patients), déport de consultations vers les urgences médicales (qui peut aboutir à l'engorgement des urgences) ou encore difficultés à trouver un médecin traitant (ce qui peut entraîner une rupture du parcours de soins).

Désert médical en France : la carte 2025 des départements

Carte de l'installation des médecins en France

Quelles sont les causes de la désertification médicale en France ?

Le vieillissement de la population, la demande croissante de soins, le manque de personnel médical, l'isolement de certains territoires et l’insuffisance des financements sont autant de facteurs qui expliquent les difficultés d’accès aux soins en France. Ces éléments contribuent à la formation de déserts médicaux.

Difficulté d'obtenir un rendez-vous médical

En France, une commune sur trois est classée en désert médical, ce qui signifie que 6 à 8 millions de personnes en France sont régulièrement confrontées à des difficultés pour se soigner.

Selon notre sondage OpinionWay pour la Croix-Rouge française, près d’une personne sur deux peine à obtenir un rendez-vous médical dans les communes rurales. Pour décrocher un rendez-vous avec un spécialiste, c’est encore pire : 63 % des personnes interrogées ont du mal à prendre rendez-vous chez un gynécologue, 59 % chez un pédiatre, 62 % chez un ophtalmo et 52 % chez un dentiste. Ces temps d’obtention de rendez-vous ont pratiquement doublé en cinq ans pour la plupart des spécialités médicales.

Accès aux soins menacé

Résultat : un Français sur trois a renoncé à des soins médicaux l’année dernière. À cela, deux causes principales : un délai d’attente trop long et aussi des problèmes financiers. Dans les zones de faible densité médicale, le risque de renoncement aux soins est particulièrement accru pour les personnes les plus défavorisées. Ces inégalités aggravent la pression sur les hôpitaux publics. Les Français se tournent de plus en plus souvent vers le service d’urgence le plus proche de chez eux, même si leur situation ne nécessite pas une prise en charge immédiate.

Selon la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), entre 20 et 30 % de l’activité d’un service d’urgence est liée à des pathologies non urgentes qui requièrent une consultation simple en cabinet de ville. Les services d’urgence, déjà sous tension et en manque de personnel, sont saturés. Le nombre de prises en charge aux urgences a doublé en 25 ans. Cette sur-sollicitation peut nuire à la prise en charge des situations urgentes, met le personnel hospitalier sous pression, entraîne des démissions de soignants épuisés… Et alimente, de fait, le cercle vicieux du manque d’effectifs.

Comment lutter contre le désert médical ?

Ces inégalités d’accès aux soins, combinées à la pénurie de professionnels de santé, rendent notre système fragile face à de nouveaux risques sanitaires. Pour soulager notre système de santé à bout de souffle et pour répondre aux besoins des personnes vulnérables, nous avons mis en place à la Croix-Rouge française de nombreux dispositifs de proximité pour répondre aux besoins immédiats des populations, notamment les plus vulnérables..

“Car, in fine, une société qui prend soin des plus fragiles ne se contente pas de réparer ; elle se protège face aux crises à venir.” Philippe Da Costa, président de la Croix-Rouge française

Nos réponses sur le terrain

=> Le Bus dentaire dans le Gers

Le Gers, majoritairement composé de zones rurales, est un département particulièrement concerné par le phénomène de désertification médicale et souffre de déficit de soignants . Depuis l’été 2023, à l’initiative d’une bénévole locale, un bus dentaire financé par la Croix-Rouge sillonne les villages du Gers. Deux étudiants en dernière année de chirurgie dentaire et un dentiste retraité y accueillent les patients et proposent des soins gratuits, tandis que la conduite du camion et les tâches administratives sont confiées à des bénévoles. Un service inespéré pour les habitants qui, bien souvent, renoncent à se faire soigner. Le camion fait étape dans neuf communes du département, une dizaine de jours par mois. Il connaît un grand succès : quelques semaines après son lancement, plusieurs centaines de patients ont ainsi pu bénéficier de consultations dentaires. C’est une vraie solution pour une population en rupture de soins, en proie à des vrais problèmes de mobilité. On estime que plus de 10 millions de Français n’ont pas accès aux soins dentaires actuellement.

=> Les Equipes mobile santé précarité (EMSP)

Les EMSP reposent sur une équipe pluridisciplinaire composée d’un binôme professionnel infirmier et travailleur social. Leurs actions s’inscrivent dans une démarche « d’aller vers » à destination des publics en situation de grande précarité, quel que soit leur lieu de vie, et ne bénéficiant pas ou plus d’un accompagnement adapté à leurs besoins en santé. Depuis 2020, notre filière Lutte contre les exclusions s’est mobilisée dans le déploiement de ces équipes mobiles.

Leur diffusion permet de soutenir l’accès aux soins et à la prévention, la veille sanitaire, la médiation sanitaire pour répondre aux besoins non couverts des personnes les plus éloignées des professionnels de santé.

=> Les Premiers répondants

Chaque année, en France, seuls 5 % des personnes qui subissent un arrêt cardiaque survivent. Pourtant, les chances de survie peuvent être multipliées par cinq si les principaux gestes de secours sont réalisés : alerter, masser, défibriller. Face à ce constat, la Croix-Rouge française a lancé l’expérimentation des "Premiers répondants" . Ce projet ambitieux vise à constituer une communauté de citoyens secouristes équipés et prêts à intervenir rapidement en cas d’urgence vitale.

Dotés chacun d’un sac de secours contenant un défibrillateur portatif, les Premiers répondants peuvent intervenir en ultra-proximité, depuis leur domicile, lors de leurs déplacements ou sur leur lieu de travail. Ils apportent ainsi une première réponse en attendant l’arrivée des secours. Ce dispositif est important car, en cas d’arrêt cardiaque, chaque minute de retard dans l’utilisation d’un défibrillateur réduit les chances de survie de 10 à 12 %. Expérimenté dans 3 départements (Hérault, Pas-de-Calais et Savoie), ce dispositif sera déployé à grande échelle s’il s’avère concluant.

=> Croix-Rouge sur roues

5 millions de Français n’ont accès à aucun moyen pour se déplacer. Alors nos volontaires “Croix-Rouge sur roues” proposent un service pour les aider : chaque jour, ils sillonnent les territoires ruraux ou périurbains pour apporter un soutien humain et matériel aux populations les plus impactées par les fractures territoriales. Parmi leurs nombreuses missions, les bénévoles accompagnent les personnes dans l’accès à leurs droits, aux soins et dispensent des messages de prévention en santé.

Paul est bénévole à notre unité locale de Pontarlier (Franche-Comté) : «Chaque semaine, nous conduisons Richard, qui souffre d’une myopathie, à son rendez-vous chez le kiné. À moins de 20 km, les transporteurs refusent de prendre en charge les patients car ce n’est pas assez rentable pour eux. Alors c’est nous qui les emmenons. »

=> Le Bus dépistage santé en Guadeloupe

L’objectif du Bus dépistage santé est simple : prévenir plutôt que guérir. En se déplaçant dans les zones où l’accès aux soins est limité, l’équipe du bus permet à des personnes qui ne consultent pas régulièrement de bénéficier d’un dépistage gratuit et d’informations cruciales sur leur état de santé. Le diabète et l’hypertension, par exemple, ne présentent pas toujours de symptômes visibles à un stade précoce. Sans dépistage, beaucoup de personnes découvrent trop tard qu’elles sont atteintes de ces pathologies, ce qui complique leur prise en charge. Grâce à ce dispositif mobile, nous pouvons mesurer la glycémie, la tension artérielle, et ainsi repérer rapidement les signes d’un problème de santé. Ces interventions permettent non seulement de détecter des maladies non diagnostiquées, mais aussi de sensibiliser le public à l’importance d’une alimentation équilibrée et d’une activité physique régulière.

Nos propositions pour lutter contre les inégalités d’accès aux soins

=> Rendons le droit d’accès à la santé effectif et inconditionnel

En 2024, 1 personne sur 3 a renoncé à se faire soigner. Alors que le droit d’accès à la santé est régulièrement questionné dans le débat public, nous appelons à en faire un droit inconditionnel, sans discrimination fondée sur l’origine, le statut social ou les ressources. Il est essentiel de garantir cet accès à tous, en particulier aux populations les plus vulnérables, grâce à des dispositifs d’« aller vers ». La santé de chacun est un enjeu majeur pour garantir la résilience de l’ensemble de notre système de santé.

=> Renforçons notre système de santé en nous préparant aux crises

62 % des Français considèrent que notre système de santé n’est pas préparé à faire face à une nouvelle crise sanitaire, comme celle du Covid-19. Pendant cette période, la Croix-Rouge française a notamment mobilisé 8 000 bénévoles pour vacciner 20 % de la population. Forts de cette expérience, nous avons signé en 2025 une convention-cadre avec la Direction générale de la santé pour mieux sensibiliser les citoyens aux risques sanitaires et intégrer notre association à la préparation des plans sanitaires de l’État. Et pour cause, notre système de santé est souvent mis à rude épreuve face à des épidémies même prévisibles, comme l’a démontré l’épisode grippal de l’hiver 2024-2025.

=> Encourageons la contribution du secteur privé à but non lucratif au système de santé

Le secteur privé à but non lucratif, dont la Croix-Rouge française est un acteur clé, agit en faveur de la santé de tous les publics. Il se rend notamment au plus proche des personnes vulnérables et joue un rôle central pour assurer l’accès aux soins de tous.

=> Permettons à chacun de devenir citoyen sauveteur

En France, on estime à seulement 40 % la part de la population formée aux gestes de premiers secours. Dans le même temps, le temps d’intervention des secours augmente. Pour garantir une réponse efficace face aux urgences du quotidien ou en période de crise, il est indispensable que chacun puisse devenir un citoyen sauveteur afin d’être en mesure d’agir au plus vite et au plus proche des besoins de la population, sur tous les territoires.

Si vous voulez en savoir plus, retrouvez ici notre rapport et sa synthèse.

Rapport résilience 2025

La santé individuelle et aussi notre système de santé, sont de plus en plus menacés par les crises à répétition (sanitaire, économique et sociale). Ce rapport  nous permet de dresser un état des lieux complet et de proposer cinq mesures pour appeler la société française à une mobilisation sans précédent pour se préparer à affronter les prochaines crises et à mieux résister.

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