La saison 3 du podcast “Clichés” détricote le droit humanitaire
Publié le 23 février 2023
Il y a de ces sujets qu’on aimerait rendre simples, accessibles. Les faire sortir de leurs livres pour que l’on voit en eux autre chose que de la théorie. C’est le cas du droit international humanitaire, appelé aussi DIH.
Comment vulgariser et faire entendre la voix de celles et ceux qui œuvrent et veillent au respect de ce droit ? Comment transmettre et répandre ce savoir ? En le faisant venir tout droit dans nos oreilles, semble être une première réponse.
Démocratiser les savoirs
Le premier épisode de la saison 3 du podcast Clichés est en ligne ce 24 février, jour d’un triste anniversaire, celui de l'intensification du conflit armé en Ukraine. La nouvelle saison de Clichés possède une résonance particulière avec l’actualité, car la parole est ici donnée aux témoins des conflits armés, à celles et ceux qui sont en première ligne, qui s’engagent à faire appliquer et respecter ce droit essentiel.
A la Croix-Rouge française et au CICR, nous sommes les gardiens de ce droit à travers les Conventions de Genève de 1949. Des conventions qui ont pour but de protéger les civils lors des conflits. Pourtant, les violations du droit international humanitaire sont nombreuses. Des civils meurent chaque jour lors de combats ; des habitations, écoles et autres hôpitaux sont détruits, des familles sont séparées, contraintes à l’exil. En Afghanistan, en Éthiopie, au Yémen, en Syrie, en Ukraine ou dans les régions du Sahel et du lac Tchad, chaque situation est unique, mais les conséquences à long terme sont malheureusement similaires pour les hommes, les femmes et les enfants subissant les attaques.
En coproduction avec la Croix-Rouge française et Louie Media, Clichés raconte ainsi l’histoire des personnes qui s’engagent à faire respecter le droit international humanitaire. En 10 épisodes, ce podcast nous fait entendre les témoignages de magistrats, militaires, juristes et des humanitaires… Des mots importants à écouter. Et à transmettre, aussi. Sophie Alex-Bacquer, Caroline Brandao, Marion Bothorel, Giulio Zucchini et Louie Media racontent l’histoire de celles et ceux qui s’engagent à faire respecter le droit international humanitaire.
1. Le droit de savoir
Émilie Rammaert est déléguée au Rétablissement des Liens Familiaux au sein du Comité International de la Croix-Rouge à Kiev. Elle aide des hommes et des femmes à avoir des informations sur des membres de leur famille qui ont disparu. Dans le contexte du conflit actuel, sa mission pourrait sembler anecdotique. Moins nécessaire, par exemple, que porter secours aux blessés. Mais savoir ce qu’il est advenu d’un proche disparu est fondamental. Et c’est une obligation inscrite dans le Droit International Humanitaire.
Si cet épisode vous a plu, découvrez le parcours de Marion Huot et d’Alison Kalley , qui oeuvrent également pour le RLF. Sachez aussi que les équipes françaises du RLF ont toujours besoin de volontaires.
2. De l’urgence du terrain à la formation des entreprises de l’armement
Coline Beytout-Lamarque est conseillère juridique en DIH à la Croix-Rouge française. Depuis ses années d’études en droit, elle a une vocation : s’ancrer dans des territoires en crise et s’assurer que les principes humanitaires y soient respectés. “Au milieu de tout ce chaos, ce calme et ce professionnalisme, cette humanité qui a survécu malgré le chaos environnant… Je me suis dit : c'est ça que je veux faire.” Des années plus tard, forte de ses expériences en Haïti, au Soudan du Sud et au Pakistan, elle fait un nouveau choix dans la poursuite du même but et devient chargée de diplomatie humanitaire, persuadée qu'en expliquant les règles de droit international aux États, dirigeant des forces armées, les pires catastrophes pourraient être évitées. Elle se dit : “C’est indispensable, mais j’aimerais faire encore plus.” Elle décide alors de se consacrer à la formation d’entreprises privées, notamment celles de l’armement.
Les ressources citées dans cet épisode :
Règle 1 du droit coutumier : Principe de la distinction entre civils et combattants. Les parties au conflit doivent en tout temps faire la distinction entre civils et combattants. Les attaques ne peuvent être dirigées que contre des combattants. Les attaques ne doivent pas être dirigées contre des civils
Règle 32 du droit coutumier : Personnel et biens de secours humanitaire. Les biens utilisés pour des opérations de secours humanitaire doivent être respectés. Et protégés.
Le colloque sur la prise en compte des robots tueurs dans le droit de la guerre, co-organisé par le centre de recherche de l'Académie militaire de saint-Cyr Coëtquidan et la Croix-Rouge française
3. Dialoguer avec des rebelles
Faire appliquer le droit par des rebelles violents et armés, c’est une mission qui peut sembler impossible. C'est pourtant le quotidien de Mickael, salarié d'une société nationale de la Croix-Rouge, au cours de ses différents emplois en République Démocratique du Congo, au Mali ou au Kenya. Il est persuadé que le Droit International Humanitaire est un outil puissant, quand il est appliqué partout et pour tous. Au cœur de son travail : l’impartialité, un des principes qui guident les organisations humanitaires et leur permet d'œuvrer pour venir en aide aux populations civiles.
Les ressources citées dans cet épisode :
Règle 139 du droit coutumier : Chaque partie au conflit doit respecter et faire respecter le droit international humanitaire par ses forces armées ainsi que par les autres personnes ou groupes agissant en fait sur ses instructions ou ses directives ou sous son contrôle
Règle numéro 56 du droit coutumier : Les parties au conflit doivent assurer au personnel de secours autorisé, la liberté de déplacement essentielle à l'exercice de ses fonctions. Ses déplacements ne peuvent être restreints que temporairement et qu'en cas de nécessité militaire impérieuse
Si ce sujet vous a intéressé, sachez que la Croix Rouge française propose des formations et des conférences sur l'évolution du droit international humanitaire.
4. Le droit face au risque nucléaire
Le conflit en Ukraine a ravivé les peurs autour d'un accident nucléaire, entre les combats sur le site de Tchernobyl et les frappes près de la centrale de Zapporijja. Au cours de l’histoire, l’arme nucléaire a été utilisée à deux reprises par les États-Unis à Hiroshima et Nagasaki les 6 et 9 août 1945, causant la mort de plus de 200,000 personnes, ainsi que des dégâts humains et environnementaux colossaux. Le grand-père et la mère de Mitchie Takeuchi ont survécu à cette catastrophe. Pourtant, elle explique qu’elle a “grandi en n’étant absolument pas au courant de la bombe atomique et de ce qu'avaient vécu les habitants d’Hiroshima”, parce qu’“être une victime de l’arme nucléaire renvoyait à un genre de stigmate et de discrimination.” Les ressources citées dans cet épisode :
Règle numéro 70 du droit coutumier : Il est interdit d’employer des moyens ou des méthodes de guerre de nature à causer des maux superflus
Article 1er du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires à retrouver ici en intégralité : Chaque État partie s’engage à ne jamais, en aucune circonstance : mettre au point, à l’essai, produire, fabriquer, acquérir (...) posséder ou stocker des armes nucléaires, ou autres dispositifs explosifs nucléaires.
La vidéo “Vous préféreriez quoi, vivre ou mourir ?” qui évoque plusieurs scénarios sur ce qui se passerait après une attaque nucléaire disponible sur le site de la Croix-Rouge française
Le film “The Vow from Hiroshima ” de Susan Strickler consacré à Setsuko Therlow, une femme hibakusha
5. Le viol comme arme de guerre
Céline Bardet est juriste internationale, spécialiste des crimes de guerre et présidente d'une association qui lutte contre les violences sexuelles dans les conflits “We Are Not Weapon of Wars”. Elle oeuvre pour faire entendre que le viol est une arme de guerre aux conséquences dévastatrices et à penser autrement. Les ressources citées dans cet épisode :
Résolution numéro 2467 du Conseil de sécurité des Nations Unies : Mettre fin aux violences sexuelles dans les conflits.
Le documentaire "Libye - Anatomie d'un crime de guerre " de la réalisatrice Cécile Allegra. On y voit Céline Bardet et Emad, documenter les violences sexuelles imposées aux Libyens.
6. Journalistes en terrains hostiles
Dans un conflit, les journalistes ont une position particulière : ni combattants, ni civils comme les autres. Leur statut interroge tandis que les images, les sons et les textes des reporters qui nous parviennent depuis les lignes de front sont d’une importance capitale. Comment le Droit International Humanitaire (DIH) s’empare-t-il de ce sujet particulier ? Pour couvrir ces terrains périlleux, les journalistes sont-ils formés et protégés ? Alexandre Duyck est grand reporter. Il a couvert plusieurs zones de conflits, notamment les soulèvements populaires lors des Printemps Arabes, ou l’Afghanistan en tant que “journaliste embedded” avec l’armée. Il rend compte du dilemme qui s’impose aux journalistes partis sur le terrain : comment arbitrer entre sa propre protection et le devoir d’information ? Les ressources citées dans cet épisode :
Des ressources du Comité International de la Croix-Rouge sur le DIH, à l’intention des professionnels des médias
Le catalogue des formations humanitaires dispensées par la Croix-Rouge française
Plusieurs reportages d’Alexandre Duyck pour la Croix-Rouge française, à Lviv en Ukraine ici , ici , ici , ici ou ici .
7. Les militaires et le droit dans la guerre
Le Droit International Humanitaire (DIH) est-il compatible avec les objectifs des militaires ? Ce droit vise à réglementer les conflits, mettre des limites à l'horreur de la guerre, et à tenter d'épargner les civils. Dans cet épisode de Clichés, Philippe, officier militaire, revient sur deux moments marquants de sa carrière, qui lui ont permis de prendre conscience de l’importance de ce droit : “L'homme que je suis aujourd'hui est fait de tout cela. Ça m'a peut-être donné, sans le savoir, une conviction : c'est que la guerre doit être humaine.” Les ressources citées dans cet épisode :
Règle 15 du droit coutumier : Les opérations militaires doivent être conduites en veillant constamment à épargner la population civile. Toutes les précautions pratiquement possibles doivent être prises en vue d’éviter et, en tout cas, de réduire au minimum les pertes en vies humaines dans la population civile, les blessures aux personnes civiles et les dommages aux biens de caractère civil qui pourraient être causés incidemment.
Les quatre conventions de Genève de 1949.
L’ouvrage “Une histoire du droit international - de Salamanque à Guantanamo ", d'Olivier Corten et de de Pierre Klein, aux éditions Futuropolis
8. Cyber : la guerre du futur est déjà là
Cyberguerre : le mot fait peur, semble presque futuriste. Des opérations coordonnées par ordinateurs, anéantissant des réseaux informatiques à coups de virus qui prolifèrent. Pourtant, ces armes et méthodes de guerre sont d’ores et déjà utilisées, et le Droit International Humanitaire (DIH) - aussi appelé “droit des conflits armés” - l’a progressivement pris en compte. Mais pour tenter de suivre les transformations du monde numérique, ce droit est en mutation permanente. Dans cet épisode, retour sur sa genèse avec Arnaud Coustillière qui a été chargé de la mise en place de la création de la cyberdéfense du Ministère et des Armées, avant d’entendre le quotidien de ceux qui adaptent ce droit aux innovations technologiques, avec Thomas Graindorge “legal advisor” au Ministère des Armées. Les ressources citées dans cet épisode :
L’article 82 du Protocole additionnel 1 aux Conventions de Genève : Les Hautes Parties contractantes en tout temps, et les Parties au conflit en période de conflit armé, veilleront à ce que des conseillers juridiques soient disponibles, lorsqu'il y aura lieu, pour conseiller les commandants militaires, à l'échelon approprié.
Les livres blancs de la défense et sécurité nationale
Le rapport du Comité International de la Croix-Rouge sur “Le droit international humanitaire et les cyberopérations pendant les conflits armés"
9. La Cour Pénale Internationale comme dernier rempart
“C'est un privilège de travailler pour une institution qui est trop importante pour échouer.” Olivier Randon est juriste au sein de la Cour Pénale Internationale (CPI). Créée le 17 juillet 1998 via la signature par 120 États du statut de Rome, cette institution est l'aboutissement de près de cinquante ans de construction d'une justice internationale, sur laquelle le juriste revient dans cet épisode.
Au sein du greffe de la CPI, le service qui permet à la Cour de mener à bien ces procès publics et équitables, Olivier Randon a travaillé sur de nombreux dossiers, portant sur le conflit au Darfour, l’armée de résistance du Seigneur en Ouganda ou encore les populations Rohingyas du Myanmar déplacées au Bangladesh. Dans toutes ces procédures, une constante demeure : la place particulière accordée aux victimes dans ce processus de justice. “On doit veiller à ne pas faire plus de mal aux victimes dans nos interactions avec elles et à éviter de leur causer plus de traumatismes ou de souffrances. (...) Il y a un vrai défi qui est de savoir comment arriver à traduire de la manière qui fait le plus de sens pour les gens, les textes qu'on a dans les cours et les droits qui sont théoriques, comment arriver à les mettre en pratique dans des environnements opérationnels qui sont très complexes.” Mais le travail d'Olivier auprès des victimes n'est qu'une partie de tout celui mené par l'institution, dont le but est d'aboutir à des procès. Entre enquêtes, mandats d'arrêt et réparations : comment fonctionne la Cour Pénale Internationale ? Et face aux critiques qui lui sont parfois opposées, quels sont les défis qu’elle doit relever ? Les ressources citées dans cet épisode :
Article 1 du Statut de Rome : Il est créé une Cour pénale internationale en tant qu'institution permanente, qui peut exercer sa compétence à l'égard des personnes pour les crimes les plus graves ayant une portée internationale. Elle est complémentaire des juridictions pénales nationales.
Le témoignage d’un délégué du Comité International de la Croix-Rouge, lorsqu’en 1975, Phnom Penh tombe aux mains des Khmers rouges.
Clichés est un podcast produit par la Croix-Rouge française et Louie Média présenté par Sophie Alex-Bacquer. Les épisodes sont tournés et montés par Marion Bothorel. Nicolas Vair en a fait la réalisation et le mix. Marine Quéméré a composé le générique de Clichés. L’illustration de cette saison est de Marine Coutroutsios. Elsa Berthault est à la coordination et l’édition, avec la contribution de Coline Beytout, Caroline Brandao et Giulio Zucchini.