Marioupol, 2021
Amiens, 2024

Svitlana

"L'essentiel est de ne pas abandonner."

Svitlana vient de la ville de Marioupol, occupée par les soldats russes depuis deux ans. Elle ressent encore le choc post-traumatique d’une explosion dans son immeuble et cherche de nouveaux repères à Amiens où elle est hébergée au sein d’un établissement géré par la Croix-Rouge française.

J’étais vendeuse dans un magasin. La guerre, au début, se concentrait à la frontière. Je continuais de travailler. Je ne percevais pas la menace. Lorsque des rumeurs ont commencé à circuler selon lesquelles nous devions partir, les routes étaient déjà fermées. Les soldats russes sont arrivés très vite dans la ville. Mes amis sont venus chez moi et nous sommes tous restés ensemble. Au début, nous avions peur d'aller dans le sous-sol de l’immeuble, mais les bombardements se sont intensifiés et nous avons dû descendre. Il faisait très froid en bas.

Kyiv, 2022 © Jerome Sessini / Magnum Photos
Kyiv, 2022 © Jerome Sessini / Magnum Photos

Un soir, je suis remontée pour chercher des vêtements chauds et il y a eu une explosion. J’ai ressenti une très forte onde de choc. Une lueur jaune est apparue dans mes yeux. Je me souviens d’avoir entendu des voix, mais je ne pouvais pas répondre. Cette nuit-là, une dizaine de personnes sont mortes dans mon immeuble. Après, nous avons erré de sous-sols en sous-sols de maisons. 

Pour partir de la ville, il fallait avoir une voiture. Tout le monde cherchait des compagnons de voyage. J’ai pu finalement partir avec des proches. Nous étions sept  passagers, avec deux  chiens. A Zaporijjia, je me suis séparée d'eux et j’ai pris le chemin de la Pologne avec un des chiens. J'ai  passé deux mois en Pologne et puis je suis venue en France.

Amiens, 2024 © William Keo / Magnum Photos
Amiens, 2024 © William Keo / Magnum Photos
Amiens, 2024 © William Keo / Magnum Photos
Amiens, 2024 © William Keo / Magnum Photos

Maintenant j'essaie d'apprendre le français, mais c’est une langue difficile. Bien que deux ans se soient écoulés, j’ai le sentiment de n’avoir toujours pas repris mes esprits. Mais je suis heureuse qu'ils ne tirent pas ici. Il y a la paix et le calme. Il y a quelque chose sur quoi s'appuyer en France. L'essentiel est de ne pas abandonner et de ne pas être paresseux. J'ai tout perdu, mais maintenant, j'aurai sans doute de nouvelles opportunités. 

Amiens, 2024 © William Keo / Magnum Photos
Amiens, 2024 © William Keo / Magnum Photos

L'objet

A cause d'une explosion, Svitlana a presque tout perdu dans son appartement. Il lui reste ces deux tasses rouges, qui lui rappellent un morceau de chez elle.

Amiens, 2024 © William Keo / Magnum Photos
Amiens, 2024 © William Keo / Magnum Photos

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