Marioupol, 2014
Paris, 2024

Volodymyr S.

"Quand on perd tout, on n’a plus confiance en rien."

Volodymyr vient de la ville de Marioupol. Il n’a plus de nouvelles de ses parents. Il réside à Amiens depuis peu et se remet d’une occupation russe particulièrement traumatisante.

J’étais professeur dans une école de musique pour enfants. J’étais compositeur aussi. J'avais mon propre ensemble de jazz. J'aimais beaucoup mon travail, c'était ma vie.

Odessa, 1957 © Elliott Erwitt / Magnum Photos
Odessa, 1957 © Elliott Erwitt / Magnum Photos

Ma maison était située juste à côté de l’usine Azovstal. Nous avons passé un mois entier sans eau, sans nourriture, sans moyens de communication, sans lumière, sans rien. Il y avait de fortes explosions juste à côté de la maison, nous vivions dans les caves, en allumant des feux pour manger et nous réchauffer. Chaque jour, il y avait de plus en plus de destructions. La ligne de front se rapprochait de plus en plus de nous.

L'aviation a commencé à bombarder Azovstal. Nous n’avions nulle part où aller. L’armée russe était partout. Nous sommes partis tôt un matin, en marchant entre des maisons en feu. Nous avons marché longtemps. Il fallait passer des points de contrôle où vous pouviez être abattus par des soldats russes à tout moment.  Nous avons été rassemblés dans un point de filtrage qui se trouvait dans une école à Novoazovsk. Pour m’en sortir, j’ai menti en disant que je voulais travailler comme professeur au Conservatoire russe.

J’ai été emmené en Russie, mais arrivé à Taganrog,  j’ai fui. Après un long voyage, je suis parvenu à rejoindre l’Estonie. J'y ai travaillé pendant un an et demi. Je n'ai jamais eu de nouvelles de mes parents. Ils étaient âgés,  je ne pense pas qu’ils aient survécu.

Khakiv, 2022 © Jerome Sessini / Magnum Photos
Khakiv, 2022 © Jerome Sessini / Magnum Photos

Je ne suis arrivé en France que depuis trois semaines. Je vis à Amiens maintenant. Je n’ai nulle part où aller ailleurs, je n'ai plus de maison. J'aimerais vraiment travailler dans ma spécialité, mais cela nécessite une maîtrise de la langue française. Je n’ai jamais pensé qu’une telle guerre pourrait arriver.

Paris, 2024 © William Keo / Magnum Photos
Paris, 2024 © William Keo / Magnum Photos
Paris, 2024 © William Keo / Magnum Photos
Paris, 2024 © William Keo / Magnum Photos

J’ai découvert que j’étais capable de survivre à tout cela émotionnellement et ne pas devenir fou. Ce n'est qu'en sortant de l’enfer que vous réalisez ce que vous avez vécu. Je pense que nous avons tous perdu la foi maintenant. Quand on perd tout, on n’a plus confiance en rien.

L'objet

Volodymyr a quitté Marioupol dans des conditions très difficiles. La seule chose qu'il a pu emporter est une icône religieuse appartenant à sa mère, qu'il garde en permanence dans la poche de sa veste.

Paris, 2024 © William Keo / Magnum Photos
Paris, 2024 © William Keo / Magnum Photos

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