Ukraine, 2021
Thônes, 2024

Tetiana

"Mon seul bonheur, ici, c'est la nature."

Tetiana a 78 ans. Elle a vécu à Kharkiv toute sa vie. Elle est hébergée avec sa fille à Thônes, au sein d’un établissement géré par la Croix-Rouge française. Elle rêve que la guerre se termine pour rentrer au pays.

J'ai travaillé à l'usine et quand je suis devenue veuve, j’ai suivi une formation et j’ai eu un emploi dans un service d’urgence pendant encore dix ans. Mon expérience aux urgences m’a peut-être aidée à m’adapter plus facilement à mes nouvelles conditions de vie, même s’il est difficile à mon âge de partager un logement avec 130 personnes quand on a  vécu toute sa vie dans son propre appartement… 

Je ne voulais pas partir mais des amis m’ont persuadée. Ils nous ont emmenés en voiture, moi et ma fille, jusqu’à la frontière polonaise. Puis nous sommes arrivées en France. Nous avons vécu quelque temps à Evian et ensuite, la Croix-Rouge nous a trouvé cet endroit, à Thônes, où nous vivons depuis maintenant un an et demi. Cela ne serait pas possible sans les volontaires présents tout au long du chemin. Ils  traitent bien les personnes âgées ici. Ils organisent des fêtes, ils nous emmènent à des concerts.

Thônes, 2024 © William Keo / Magnum Photos
Thônes, 2024 © William Keo / Magnum Photos
Thônes, 2024 © William Keo / Magnum Photos
Thônes, 2024 © William Keo / Magnum Photos

Pour moi, la guerre a tout changé. Je suis d'origine russe. Mon père était militaire, et c’est ainsi que lui et ma mère se sont retrouvés en Ukraine. J’y suis née mais toute ma vie a toujours été liée à la Russie. Je n’imaginais pas qu’il était possible d’attaquer ainsi un autre pays. Maintenant, je ne peux plus visiter le caveau familial et je ne remettrai plus jamais les pieds en Russie. Ils m’ont détruite mentalement, ils m’ont pris ma maison. Je ne peux pas en parler, je me mets immédiatement à pleurer.

Autour de ma datcha (ma maison d’été), j’avais planté beaucoup de fleurs, des pivoines, des roses… Mon seul bonheur, ici, c'est la nature. La fenêtre donne directement sur les montagnes. Mais ma maison me manque.

Thônes, 2024 © William Keo / Magnum Photos
Thônes, 2024 © William Keo / Magnum Photos

J’espère retourner en Ukraine un jour. Je suis âgée, que puis-je faire en France ? Je ne connais pas la langue et à 78 ans, il est trop tard pour apprendre. Alors pour moi, l'essentiel est que la guerre se termine.

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